Malgré les difficultés, Carlos Ghosn, le PDG Renault, veut penser à 2009
Article du 09/02/2007
Hausse du prix des matières premières, renchérissement du pétrole, impact des nouvelles normes anti-pollution sur les coûts de fabrication, baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, atonie du marché automobile européen : tous les ingrédients étaient réunis en 2006 pour rendre la partie difficile au constructeur français Renault.
PSA Peugeot Citroën, dans une situation similaire, a annoncé en milieu de semaine des chiffres alarmants. Certes, les ventes mondiales ne se replient que de 0,7 % en 2006 avec 3,366 millions de véhicules vendus, mais le bénéfice net perd donc 82,9 % à 176 millions d’euros contre 1,029 milliards d’euros en 2005.
Renault semble, lui, avoir limité la casse en dépit d’une chute de 42 % de son bénéfice d’exploitation. Durant la conférence de presse organisée jeudi, le dirigeant du groupe, Carlos Ghosn, s’est efforcé de rassurer le marché : Renault a réalisé son objectif de 2,5 % de marge en 2006 et maintient des prévisions de 3 % pour 2007 et de 6 % pour 2009.
Le bénéfice est de 2,86 milliards d’euros, en baisse de 14,8 % par rapport à l’année précédente, mais supérieur aux attentes des analystes.
Le groupe a cependant affiché des ventes en forte baisse (- 4 % en volume, soit 100 000 véhicules de moins vendus) tout au long de l’année 2006, principalement sur le Vieux Continent. Or l’Europe, spécialement la France, sont les marchés cruciaux de Renault. A l’inverse, hors Europe, Renault a vendu 30% de voitures en plus que l’année précédente. Le chiffre d’affaires perd finalement 0,8 % à 41,53 milliards d’euros. « 2006 était une année de transition, résume le président du groupe, la conjoncture était difficile, il était impossible de répercuter aux clients la hausse des matières premières, alors que dans le même temps les rabais ont atteint des niveaux historiques. »
Derrière ces chiffres, se cachent surtout les mauvaises performances de la marque française, quelque peu rattrapées par les meilleurs résultats de ses deux acolytes, Nissan et AB Volvo. D’ailleurs, Nissan a contribué à hauteur de 1,87 milliards d’euros dans le bénéfice, et Volvo à hauteur de 384 millions d’euros.
Le groupe japonais a dégagé une marge opérationnelle de 7,5 %, a précisé Carlos Ghosn, contrecarrant les récentes affirmations de la presse japonaise qui avaient semé l’inquiétude. Déplorables en 1999, les finances de Nissan sont aujourd’hui à flot. L’entreprise est même devenue une « machine à cash » et sa recovery a permis à Carlos Ghosn de se construire une solide réputation de cost-killer, dont les méthodes ont suscité beaucoup d’admiration au Japon.
Objectif 2009
Un an après la présentation du plan « Renault Contrat 2009 » par Carlos Ghosn, que faut-il en conclure ? « Nous sommes encore loin des objectifs de 2009, concède Thierry Moulonguet, directeur financier du groupe. Nous vivons une période certes difficile, mais nous sommes dans une dynamique de réduction des coûts. »
C’est d’ailleurs la mode parmi les constructeurs automobiles de présenter des programmes. Christian Streiff, fraîchement arrivé chez PSA Peugeot Citroën, a lui présenté cette semaine son plan d’action « Cap 2010 » centré sur « la qualité, les coûts, le produit, l’international », selon un communiqué.
Renault entend donc poursuivre ses efforts de réduction des coûts après une économie de 300 millions d’euros en 2006. L'’amélioration de la productivité dans les usines a également apporté une contribution positive de 62 millions d’euros. « L’augmentation des capacités de production annoncée en Inde, en Roumanie, en Russie et l’introduction de modèles conçus pour répondre à la demande locale de ces marchés, en plein développement, sont les principaux moteurs de la croissance de Renault à l’horizon de 2009 », indique le constructeur.
Dans un entretien à Challenges, Carlos Ghosn juge « fort peu probable à moyen terme » la fermeture d’une usine en France alors que le groupe a réduit ses cadences de production en Espagne, provoquant des arrêts de travail tournants pour 1 300 salariés et des départs en pré-retraite. Renault emploie près de 130 000 salariés.
Selon une étude de l’Observatoire des métiers de la métallurgie, le secteur de la construction automobile pourrait perdre de 3 000 à 4 000 emplois par an dans les quatre prochaines années. Une décrue régulière pour cette filière qui compte autour de 800 000 salariés. Les sous-traitants et les équipementiers, qui représentent près de la moitié du secteur, ont plus de soucis à se faire : c'est sur leurs fournisseurs que les constructeurs répercutent en premier leurs plans d'économies.
Miser sur de nouveaux véhicules
Serein en apparence, le supermanager vise donc 2009, qui marquerait le dixième anniversaire de l’ « ère Ghosn ».
Si en 2006, les ventes du groupe avec Dacia et Samsung ont augmenté de 8,6 %, le mérite en revient surtout au succès de la Logan. Le Contrat 2009 entend bien lancer 26 nouveaux modèles et silhouettes d’ici à trois ans et ainsi augmenter ses ventes de quelque 800 000 véhicules. Et Renault compte désormais beaucoup sur le lancement cet été de la nouvelle Twingo et en octobre de la nouvelle berline de taille moyenne Laguna, fer de lance du redressement de l’image de la marque en matière de qualité et de service après-vente. Pour Carlos Ghosn, il s’agit de rajeunir une gamme de véhicules vieillissante. « Cette mise en route est une étape déterminante pour la réussite du Contrat 2009. Mais elle constitue sans doute la phase la plus ingrate du plan car elle a exigé beaucoup d’efforts en interne (...) alors que les résultats ne sont pas encore visibles », explique le dirigeant.
Selon le successeur de Louis Schweitzer, les ventes devraient donc se redresser à partir du second semestre 2007. « Le second semestre marquera enfin le début de notre offensive produits. Au total huit nouveaux véhicules seront fabriqués », a-t-il poursuivi.
Enfin, la commercialisation de la Logan devrait être étendue à l’Inde, l’Iran, le Brésil et l’Argentine. « La Logan est un levier d’amélioration de la rentabilité tout à fait important », a précisé Thierry Moulonguet.
Côté Nissan, les nouveaux SUV urbains, semi-4 x 4 type Qashqai, nouvelle Fairlady Z, sont d’ailleurs prêts à être sortis sur le marchés. « 2006 fut transitoire. En 2007, la mise sur le marché de onze nouveaux produits, dont neuf très attendus dans les six premiers mois, fera la différence », espère-t-on au siège du constructeur. Toshiyuki Shiga, le président de Nissan à Tokyo, a prévenu que le groupe concentre aussi ses forces sur de futurs modèles écolos de nouvelle génération.
Quid d’une alliance ? Après des velléités auprès des autres constructeurs automobiles l’année dernière, Carlos Ghosn a rejeté toute éventualité d’élargir l’alliance à un autre groupe. « Dans la période précédant un redécollage net de Renault, une extension de l’alliance serait dangereuse. Sur le fond c'est une bonne idée », a déclaré celui qui à la fois président de Renault et de Nissan et entend le rester tant qu’il jouit de la « confiance des conseils d’administration ».