Flambée du pétrole, ascension de l’euro, remontée du yen … mais aussi incertitudes sur l’économie mondiale, crainte d’une récession aux Etats-Unis, tentatives de sauvetage … les places boursières mondiales sont actuellement tiraillées entre des situations contradictoires.
Et si Paris a fini dans le vert hier soir, l’indice Nikkei a lourdement chuté et Wall Street est retombée dans le rouge, signes que tout n’est pas réglé.
Hier soir, en clôture, la Bourse de Paris a repris encore 1,50 % à 4 697,10 points, poursuivant le net mouvement de rebond engagé la veille (+ 1,33 %). Le marché parisien hier semblait en quête de bonnes affaires, un peu rassuré par une série d’interventions concertées des banques centrales.
Hier comme mardi, le secteur bancaire français a profité de l’initiative de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui, en coordination avec d’autres banques centrales, a notamment créé une procédure lui permettant de prêter jusqu’à 200 milliards de dollars de titres du Trésor à un groupe restreint de grandes banques. Pour Romain Hayat, conseiller de gestion chez Meeschaert, cela devrait permettre
« d’apporter les liquidités nécessaires à une amélioration de la situation des marchés du crédit ». Toutefois, si l’annonce de la Fed diminue les risques de crise systémique à brève échéance,
« elle ne lève pas les inquiétudes à moyen terme, et la situation reste très fragile sur le marché du crédit », nuance le vendeur d’actions. L’embellie sur les places boursières est donc surtout un
« rebond technique », selon lui, puisque l’action des banques centrales
« est intervenue à un moment où le marché cherchait des opportunités d’achats à bon compte » après avoir enfoncé plusieurs seuils techniques à la baisse.
Hier, Londres a grimpé de 1,51 %, Francfort de 1,15 % et l’Eurostoxx 50 de 0,98 %.
Ce matin, la Bourse de Paris a ouvert en forte baisse, l’indice CAC 40 perdant 1,83 % à 4 610,99 points.
L’euphorie retombe à Wall Street
Wall Street est retombé dans le rouge hier, subissant des prises de bénéfices au lendemain d'une journée euphorique, qui avait vu l’indice vedette Dow Jones empocher ses plus forts gains depuis mars 2003.
Le Dow Jones Industrial Average (DJIA) a reculé de 46,57 points (0,38 %) à 12 110,24 points et l’indice Nasdaq, à forte composante technologique, de 11,89 points (0,53 %) à 2 243,87 points, selon les chiffres définitifs de clôture. L’indice élargi Standard and Poor’s 500 a pour sa part cédé 11,88 points à 1 308,77 points (- 0,9 %).
Là aussi, la décision de la Fed a apporté un peu de soulagement. Pour Peter Cardillo, d’Avalon Partners, l’action de la Réserve fédérale
« va permettre de repousser jusqu’au prochain trimestre les problèmes du crédit actuels ». Néanmoins, rien n’est réglé.
« Les investisseurs veulent savoir désormais où en sont les banques », prévient Todd Leone, analyste au cabinet SG Cowen. Et l’accumulation des défauts de paiement des ménages américains ayant souscrit à des prêts immobiliers
« subprime » ne va pas s’arrêter avec une
« simple » injection de liquidités, juge Al Goldman (A.G Edwards).
Pour mémoire, après de lourdes pertes dues aux
« subprime », les banques américaines ont durci les conditions d’octroi du crédit pour les particuliers et les investisseurs. Cela a entraîné une crise marquée notamment par un tarissement des liquidités sur les marchés.
Illustration des menaces qui pèsent encore sur le secteur financier, le rehausseur de crédit américain CIFG a vu sa note de dette abaissée de quatre crans par Standard and Poor’s, une nouvelle qui a limité les gains des indices européens en fin de séance hier. En revanche, son homologue Ambac a vu l’agence de notation financière Moody’s Investors Service confirmer hier sa note « AAA », grâce à son augmentation de capital.
Carlyle a annoncé son intention de liquider son fonds Carlyle Capital Corporation, dont l’action avait chuté à cause de ses difficultés financières.
Tokyo chute
Dans la foulée, l’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a terminé la séance de jeudi sur une chute de 3,33 %. L’indice Nikkei 225, moyenne non pondérée des 225 valeurs vedettes, a perdu 427,69 points (- 3,33 %) à 12 433,44 points, son plus bas niveau depuis août 2005. Il a plongé de jusqu’à 3,96 % dans l’après-midi avant de limiter la casse.
Cette chute a été favorisée par l’envolée du yen, qui a atteint son plus haut niveau en plus de 12 ans face au dollar, un phénomène qui pénalise les exportateurs japonais.
L’indice élargi Topix de tous les titres du premier tableau a de son côté terminé en baisse de 39,26 points (- 3,13 %) à 1 215,87 points.
Devises, pétrole, l’envolée
A Tokyo, la progression du yen a pesé sur l’indice en clôture. Le billet vert a atteint hier son plus bas niveau face au yen en plus de douze ans, manquant de peu de plonger sous la barre des 100 yens pour la première fois depuis octobre 1995, en raison des craintes de récession et des perspectives de baisses des taux d’intérêt aux Etats-Unis.
Le dollar a également atteint hier de nouveaux records de faiblesse face à l’euro, en descendant à plus de 1,55 dollar pour un euro.
La monnaie européenne flirte désormais avec la barre de 1,56 dollar, après avoir franchi la veille celle de 1,55 pour la première fois depuis sa création en 1999. La devise européenne a grimpé hier jusqu’à un sommet de 1,5570 dollar.
« Le dollar a complètement perdu les faveurs du marché maintenant », a commenté Kenichi Yumoto, un responsable des changes à la Société Générale à Tokyo. La devise américaine est sous pression à cause des craintes de récession aux Etats-Unis et parce que le marché s’attend à ce que la Réserve fédérale américaine abaisse à nouveau son principal taux d’intérêt (actuellement à 3 %), selon les analystes.
Le président américain George W. Bush, qui se dit
« pour un dollar fort », a estimé que ce record était une
« mauvaise nouvelle ».
Par ailleurs, en dépassant pour la première fois le seuil symbolique des 110 dollars, à 110,20 dollars, le baril de pétrole a ravivé les craintes de risques inflationnistes chez les investisseurs, selon Briefing.com, alors même que la reconstitution des stocks américains plaidait plutôt pour un tassement des cours de l’or noir.
Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de
« light sweet crude » pour livraison en avril a terminé la séance tout près de ce seuil symbolique de 110 dollars. Par rapport à la veille, il a gagné 1,17 dollar, à 109,92 dollars, un nouveau record de clôture.
Le marché du pétrole a une nouvelle fois balayé ses records de la séance précédente, aussi bien à New York qu’à Londres, et continué de repousser plus loin ses sommets, parallèlement à une nouvelle chute du dollar qui pousse les investisseurs vers les marchés de matières premières. En plus d’une stratégie de placements, la faiblesse du dollar, devenue chronique depuis plusieurs mois, renforce le pouvoir d’achat des investisseurs hors zone dollar, puisque la facture de l’or noir est libellée en dollars.
A Londres, le Brent de la mer du Nord, qui est plus lourd et plus soufré que le brut coté à New York, et par conséquent généralement un peu moins cher, a lui franchi pour la première fois les 106 dollars le baril, pour inscrire un nouveau record à 106,45 dollars. Il a finalement clôturé à 106,27 dollars, sur un bond de 1,02 dollar.
Depuis plusieurs jours, les seuils symboliques sont tombés les uns après les autres, en parallèle, sur le marché du pétrole et sur le marché des changes. L’effondrement de la devise américaine, combinée à des tensions géopolitiques dans plusieurs zones productrices, l’absence d’augmentation officielle de la production de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole et un hiver froid dans l’hémisphère nord, ont déjà fait s’envoler le prix du brut de près de 15 %.
A contrario, le marché a rapidement mis de côté les chiffres du Département américain à l’Energie, pourtant jugés par les analystes comme étant de nature à tirer les cours vers le bas. En effet, alors qu’ils avaient baissé la semaine précédente, provoquant l’inquiétude du marché, les stocks de brut des Etats-Unis se sont reconstitués la semaine dernière presque quatre fois plus que prévu. Ils ont augmenté de 6,2 millions de barils. Les réserves d’essence ont continué de se reconstituer de 1,7 million de barils. Quant aux stocks de produits distillés (gazole et fioul de chauffage), ils ont fondu de 1,2 million de barils.
Les chiffres du jour
En zone euro, la production industrielle s’est affichée hier en hausse de 0,9 % sur le mois de janvier par rapport au mois précédent. Pour certains économistes, ce chiffre était de nature à dissuader la Banque centrale européenne de baisser son taux directeur, actuellement à 4 %, ce qui soutient la monnaie unique.
Sur le front macroéconomique américain, le déficit budgétaire a atteint en février un record historique, avec 175 milliards de dollars, alors qu’il était en excédent de 17 milliards de dollars en janvier.
Ce matin, en France, on prenait connaissance de l’emploi salarié. Les créations d’emplois salariés dans le secteur concurrentiel ont progressé de 1,8 % en 2007 pour atteindre 327 800, avec une hausse de 0,3 % sur le seul quatrième trimestre (+ 53 800), selon des chiffres du ministère de l’Emploi.
Ces résultats font apparaître une décélération du rythme de créations d’emplois salariés au quatrième trimestre comparé au troisième, alors que les données provisoires de mi-novembre montraient une stabilité (+ 0,4 %).
Dans tous les cas, l’économie française a créé l’an dernier plus d’emplois qu’elle n’en a détruits et dépassé sa performance de 2006. La France comptait ainsi plus de 18 millions de salariés fin 2007, selon la Dares. Pour 2008, les économistes tablent toutefois sur un ralentissement de l’emploi salarié.
Autre version. L’Unedic, dont le champ, légèrement plus étroit que l’INSEE, couvre les entreprises affiliées à l’assurance chômage, a fait état d’une accélération des créations d’emplois salariés au quatrième trimestre (+ 0,5 %), avec 90 400 nouveaux postes. Sur l’année, les effectifs ont crû de 306 800 personnes (+ 1,9 %), de sorte que l’économie a créé 66 000 emplois de plus qu’en 2006. L'assurance chômage a totalisé
16.596.400 salariés dans les établissements affiliés fin décembre,
« un niveau jamais atteint auparavant », selon le régime d’assurance chômage. Mais l’assurance chômage table elle aussi sur
« moins de créations d’emplois en 2008 », sur fond de conjoncture économique dégradée.
Selon l’Acoss, qui fédère les Urssaf chargées de collecter les cotisations sociales et dont le champ est encore différent, l’emploi salarié dans le secteur privé a progressé de 0,6 % au quatrième trimestre (+ 70 000 postes) et de 1,7 % (+ 310 000) sur un an pour atteindre 18,2 millions de salariés.
Par secteur, l’emploi dans le tertiaire, en augmentation quasi continue depuis la mi-2001, a augmenté de 0,4 % sur le trimestre et de 2,6 % sur un an, selon la Dares. Le tertiaire a créé 247 600 postes en 2007, après 171 700 en 2006. L’intérim, comptabilisé dans le tertiaire même quand il s’agit de missions effectuées dans l’industrie ou le bâtiment, a progressé de 4,6 %. Mais, après
« la hausse exceptionnelle » du premier trimestre, il a reculé les trois trimestres suivants avec un repli de 1 % au dernier.
La construction, qui crée des emplois depuis le milieu de l’année 2003, a marqué un ralentissement, avec une hausse de 0,7 % au dernier trimestre, deux fois moindre qu’au troisième, et de 4,2 % sur un an. Au total, 58 600 emplois ont été créés dans la construction en 2007.
En revanche, dans l’industrie, l’hémorragie entamée depuis six ans s’est poursuivie mais a décéléré comparé 2006 : les effectifs ont reculé de 0,3 % sur le trimestre et de 1,1 % sur un an. Sur l’année, 40 700 emplois ont été détruits, après 60 600 en 2006.
Sont attendus aux Etats-Unis les prix à l’importation et les ventes de détail en février, les demandes hebdomadaires d’allocations chômage et les stocks des entreprises en janvier.
Francebourse.com – Alexandra Voinchet, avec AFP