Il quitte la tête de Saint-Gobain après 20 années passées à transformer cette entreprise tricentenaire fondée par Colbert. Son dauphin : Pierre-André de Chalendar, directeur général délégué du groupe depuis 2005.
L’Assemblée générale de Saint Gobain qui doit se dérouler cet après-midi sera donc la dernière pour le PDG entré en fonction en 1986. Jean-Louis Beffa restera tout de même président du conseil d’administration. « Je ne participerai plus aux réunions internes et je n’aurai plus de contact avec les analystes financiers ni avec la presse. Tout cela relève désormais clairement du directeur général. Je souhaite continuer de contribuer au développement de Saint-Gobain, mais d’une manière différente. Je vais lire beaucoup moins de dossiers mais prendre plus de temps pour voyager et aller étudier les grandes tendances des marchés », expliquait-il dans une interview à La Tribune du 4 juin dernier.
Il laisse derrière lui un beau bilan puisqu’il a fait du groupe l’un des géants mondiaux des matériaux de construction. Le chiffre d’affaires de Saint Gobain a été multiplié par trois et le résultat d’exploitation par quatre. En 2006, le chiffre d’affaires est ressorti au-dessus des 40 milliards d’euros et le bénéfice net à plus de 1,6 milliard d’euros. En un an, l’action a progressé d’environ 50 %. « J’éprouve un sentiment de satisfaction à passer le relais dans ces conditions », confie l’homme au Figaro du jour.
Saint Gobain est présent dans 54 pays et emploie 208 000 salariés.
La manufacture de verre de Colbert, créée en 1655 pour réaliser la galerie des Glaces du château de Versailles, est devenu un groupe multiactivités, positionné sur des matériaux à forte valeur ajoutée. A son arrivée en 1986 – alors que l’entreprise est privatisée par la gauche –, Jean-Louis Beffa a tiré un trait sur les centrales thermiques et mécaniques, le pôle papier-bois ... pour recentrer son activité.
Aujourd’hui, Saint Gobain tire près de la moitié (41 %) de son chiffre d’affaires de son activité de distribution de matériaux (chaque jour, Saint-Gobain ouvre ou acquiert un nouveau point de distribution Lapeyre, Point P, K par K. A cela s’ajoutent les acquisitions récentes au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, stratégie de croissance externe que le groupe souhaite d’ailleurs poursuivre dans ce secteur de la distribution)…
Saint Gobain fabrique également des produits de construction extérieure et d’isolation – le groupe isole une maison sur cinq aux Etats-Unis –, des matériaux de haute performance – il est devenu le leader mondial des applications thermiques et des mécaniques de céramiques, des plastiques, des produits abrasifs et des fils de fer. Autant de nouveaux métiers à fort potentiel de croissance internet et externe qui ont facilité cette transition.
En fin de compte, le verre ne représente plus d’une faible partie du chiffre d’affaires de Saint Gobain (12 %) : vitrages divers, conditionnements en verre pour l’agroalimentaire et l’hygiène-cosmétique. Mais reste le vecteur d’une forte image de marque pour le groupe : le verre de la pyramide du Louvre a ainsi été fourni par Saint Gobain.
Aux manettes du groupe coté au CAC 40, Pierre-André de Chalendar va donc poursuivre la stratégie Beffa : continuer les acquisitions engagées dans la distribution – en 20 ans, Jean-Louis Beffa a réalisé 900 cessions et 600 acquisitions –, développer de nouveaux matériaux de construction (isolation, plaque de plâtre) et de haute performance en misant sur l’innovation et s’investir dans des pays émergents (notamment Europe de l’Est, Asie du Sud-Est et à Afrique du Nord).
Sur le plan boursier, Saint Gobain est souvent soumis à des rumeurs d’OPA et les grands fonds d’investissement devraient rester vigilants. Pierre-André de Chalendar sera-t-il bizuté par le marché, comme l’a été Bruno Laffont chez Lafarge ?