Vaste chantier que celui des universités françaises. Mais pour Nicolas Sarkozy, mener une réforme de l’enseignement supérieur est une « priorité absolue », indiquait-il lors de la campagne présidentielle. Alors que le nouveau gouvernement de François Fillon était annoncé hier, Valérie Pécresse, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, présentait un avant-projet de loi sur l’organisation de la nouvelle université.
Des universités volontaires autonomes, une nouvelle gouvernance, davantage de moyens : la réforme de l’enseignement supérieur, à laquelle le gouvernement français aurait dû s’attaquer depuis quarante ans, est lancée.
En six mois, les universités volontaires accéderont à l’autonomie budgétaire. Elles pourront désormais gérer leur patrimoine immobilier, ce qui leur « permettra de réunir sur un même site différentes entités jusqu'ici dispersées », indique la ministre qui souhaite améliorer le mode de recrutement des enseignants.
Le président sera moins dépendant du conseil d'administration. La réforme prévoit que chaque université puisse décider des recrutements et définir la part que les enseignants prendront entre l'enseignement et la recherche. Les délais de recrutement seront plus courts et les procédures assouplies.
Sur le montant de cinq milliards d’euros, une « petite partie » sera utilisée pour la réforme de l’autonomie. Et l’enveloppe débloquée par le gouvernement pour l'université va faire passer les dépenses de la Nation de 7 000 à 10 000 euros par an et par étudiant.
Valérie Pécresse envisage également une réforme du diplôme de la licence qui pourrait être rebâtie « autour de trois enseignements : culture générale, modules de professionnalisation et cours de méthode ».
Pour Valérie Pécresse, le texte présenté hier aux organisations syndicales, « marque le réengagement de l'Etat dans la politique universitaire ». Une réforme qui aurait dû être menée depuis déjà « quarante ans », notait Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle.
Douche froide
La concertation avec les partenaires sociaux, entamée le 23 mai, doit s’achever à la fin de la semaine. Mais déjà, Bruno Julliard, président des étudiants de l'Unef, parle de « douche froide » et menace le gouvernement d’un mouvement à la rentrée « si le texte reste en l'état ». « La loi est dangereuse. Elle va accroître les inégalités puisque chaque université pourra décider de son périmètre de compétences », estime le président de l’Unef. Selon lui, le texte restreint la démocratie au sein des universités, en réduisant fortement le nombre d'étudiants représentés dans les conseils d'administration. « On va tout faire pour améliorer ce projet tout à fait inacceptable, tant en direction du cabinet de Valérie Pécresse que des députés. Si le projet au final est toujours aussi mauvais, nous préparerons une rentrée très offensive dans les universités », a prévenu Bruno Julliard. « On a montré récemment qu'on pouvait faire échec à une loi déjà votée », a-t-il ajouté en faisant référence au mouvement de grève contre le CPE.
Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a prévu de présenter un projet de loi en Conseil des ministres le mercredi 27 juin.
Mais à l’heure de la mondialisation, une réforme des universités françaises semble urgente. Et la place de nos établissements au niveau mondial le prouve…
Des universités mal classées
Hier, l’Université Jiao Tong de Shanghai publiaient, comme chaque année depuis 2003, un classement des 500 premières universités mondiales. Et le verdict est sévère pour la France : écoles et facs françaises sont absentes du top 20, même si quelques établissements parviennent à sauver l’honneur.
En médecine et en pharmacie, aucune université française ne figure parmi les cent premières mondiales ! Dans les secteurs des sciences agronomiques, informatique et sciences de l'ingénieur, seules une à deux universités françaises sont citées. L'école de management de Fontainebleau, l'Insead, parvient à décrocher la 42e place en sciences sociales. Seul domaine où la France parvient à un rang honorable : les sciences de la vie et de la terre. L'université Paris-XI est en effet classée 24e, devant cinq autres institutions françaises (Paris-VI est 31e, l'École normale supérieure et l'université Strasbourg-I sont situées entre la 51e et la 75e place et l'université Paris-VII est classée entre la 76e et la 110e place). Paris-VI (Pierre-et-Marie-Curie), citée à trois reprises dans ces cinq classements thématiques à caractère scientifique, arrive en tête des universités françaises.
Mais le classement de l’Université Jiao Tong de Shanghai reste controversé en France. On lui reproche notamment de ne pas prendre en compte les sciences humaines, jugées peu quantifiables et peu propices aux comparaisons internationales. Shanghai est également critiqué pour valoriser le nombre d'étudiants accueillis, ce qui désavantagerait les établissements français, plus élitistes.
Mais d’autres classements font le même constat. Aucune universités ou écoles françaises ne figurent dans le top 100 de Webometric, qui mesure la puissance sur le web des universités mondiales. Et dans le classement du Times, on ne trouve que deux écoles françaises : Polytechnique et l'Ecole normale supérieure.
Le moral en berne
En outre, les étudiants français ne semblent pas être les plus heureux, selon une étude de l’Usem (Union nationale des Sociétés Etudiantes Mutualistes régionales) rendu public hier.
En effet, son rapport sur la santé des étudiants en 2007 montre une tendance à la déprime, avec deux moments révélateurs de mal-être : l’entrée et la sortie de l’université.
« Le passage de la structure encadrée du lycée et du noyau familial à l’anonymat de l’université, comme celle de Paris 1 qui rassemble près de 40.000 étudiants est un vrai choc. C’est aussi l’époque des premières fois. Cette transition est déterminante pour les futures années à l’université », explique Pierre Saivre, président de la Smerep, une des deux sécurités sociales étudiantes d’Ile-de-France. Les Bac +4-5 sont également nombreux à avoir des appréhensions avant d’entrer sur le marché du travail. « L’angoisse de quitter le milieu universitaire, de ne pas trouver un emploi est très forte dans cette tranche des 24-25 ans, note Pierre Saivre. Une fois qu’ils ont quitté l’université, on ne peut plus les suivre, c’est fini. »
Et alors que Nicolas Sarkozy, durant sa campagne, mettait le doigt sur le fait que « nos jeunes sont envoyés par milliers dans des filières sans débouchés » et souhaitait que « le nombre d’étudiants dans les différentes filières (dépende) des réalités du marché du travail », l’avant-projet de loi de Valérie Pécresse ne semble pas aborder le problème…
Peut-être les étudiants retrouveront-ils le moral avec un marché du travail laissant davantage leur chance aux jeunes. Une autre promesse du président de la République qui a garanti, en cinq ans, d’atteindre le plein emploi, c’est-à-dire un chômage à 5% et un emploi stable à temps complet pour tous…