La mission ne sera pas aisée pour Robert Zoellick qui arrive à un poste entaché de népotisme et de corruption. En faisant suite à Paul Wolfowitz à la tête de la Banque Mondiale, l’homme sait qu’il devra redorer le blason d’une institution multilatérale dont la crédibilité a sérieusement pâti du mode de gestion pour le moins « personnel » de son ancien président.
L’enjeu est d’autant plus grand pour le nouveau dirigeant que son homologue du Fonds monétaire international (FMI), Rodrigo Rato, a annoncé jeudi dernier son départ, ajoutant à la crise que connaissent les institutions de Bretton Woods.
Paul Wolfowitz a pour sa part été recruté par un laboratoire d’idées néo-conservateur, l’American Entreprise Institute, en qualité de professeur invité. Il « travaillera sur des sujets liés à l’entreprenariat et au développement, à l’Afrique et aux partenariats public-privé », a précisé cet organisme.
Robert Zoellick arrive donc alors que le dessein même de la Banque Mondiale est mis à l’index par certains de ses membres, notamment parmi ses élèves les plus attentifs.
Si le mode de désignation ne permet en rien de juger l’action de « Bob Zoellick » à la Banque Mondiale pour les cinq prochaines années – d’après les textes, peut-être moins dans les faits –, l’ex-numéro deux du département d’Etat américain était le seul candidat en lice. L’organisation mondiale n’a pas su saisir le coche de cette crise de légitimité sans précédent et entendre les revendications montantes, essentiellement de la part de pays émergents, sur le mode de nomination de la présidence pour le moins contraire au multilatéralisme.
La règle non écrite qui remonte à 1944 et selon laquelle les grandes puissances se partagent le gâteau – l’Europe choisit le dirigeant du Fonds Monétaire International et les Etats-Unis désignent comme patron de la Banque Mondiale un allié du pouvoir - est loin d’être périmée. Il était impensable pour la Maison Blanche, qui avait déjà propulsé à ce rang Paul Wolfowitz en 2005, d’abandonner cette prérogative.
Espérons désormais que la Banque Mondiale n’oubliera pas de se pencher sur sa crise d’identité. Le feu couve depuis plusieurs mois déjà, ravivé par la décision en mai du Venezuela de quitter les grands argentiers internationaux. En Amérique Latine, les cures d’austérité de la Banque Mondiale et du FMI ont laissé des souvenirs amers et le Brésil, l’Uruguay, l’Equateur et le Venezuela ont déjà remboursé par anticipation tout ou partie de leur dette.
Ratés dans ses missions, moyens financiers en perdition du fait des non remboursements ou des remboursements anticipés des prêts, non réévaluation des quotes-parts des membres, critiques internationales sur son manque de représentativité … la Banque Mondiale n’a plus les moyens de ses ambitions.
L’institution se raccroche à sa nouvelle tête dirigeante : Robert Zoellick, conservateur et apôtre d’un libre-échange pur et dur, maîtrise les arcanes de la gestion, lui qui est vice-président de la banque d’affaires mondialement connue, Goldman Sachs.
Il lui faudra tout d’abord renflouer les caisses de la Banque Mondiale en reconstituant les fonds de l’Association Internationale de Développement (IDA) : la Banque Mondiale doit trouver 25 milliards de dollars avant la fin de l’année pour mener à bien sa mission de lutte contre la pauvreté et remettre au goût du jour les Objectifs du Millénaire.
Garder un œil sur la bonne gouvernance ensuite et pour cela remettre à plat la « stratégie à long terme » de l’organisation, selon ses mots mêmes.
Parallèlement, il doit préparer l’assemblée générale de la Banque, son premier grand oral face aux ministres des Finances des 185 pays membres de l’institution. Prévue fin octobre, cette assemblée, qui coïncide avec celle du FMI, fournira au nouveau dirigeant l’occasion de présenter sa stratégie.
Robert Zoellick a placé son mandat sous le signe de l’apaisement, voulant « calmer le jeu » après « une période traumatique ». Et de la réforme. « Cette institution reconnue en matière de développement, de reconstruction et de financement a non seulement besoin de s’adapter : elle doit ouvrir la voie d’une mondialisation durable, fondée sur la croissance partagée, les opportunités et le respect de la dignité personnelle ».