Croissance française : Des économistes proposent leur recette
Article du 14/09/2007
Réforme de l’enseignement supérieur, relance de l’emploi des jeunes et des seniors, libéralisation de la grande distribution et des professions « fermées » : autant de mesures dont la combinaison permettrait à la France de rattraper son retard de croissance, selon un rapport du Conseil d’analyse économique (CAE) sur « les leviers de la croissance française », remis au Premier ministre François Fillon, qui recevra aussi d’ici à la fin de l’année les propositions de la commission Attali pour « libérer la croissance ».
« Si l’on prolonge les tendances actuelles, l’écart de revenu par tête entre les Etats-Unis et la France sera en 2020 équivalent à celui qui sépare aujourd’hui la France de la République tchèque », avertit le rapport.
La France pourrait augmenter d’au moins 0,5 point de produit intérieur brut sa croissance « en investissant un point de PIB supplémentaire dans l’enseignement supérieur et en flexibilisant les marchés des biens et du travail », soulignent d’emblée les économistes Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen et Jean Pisani-Ferry.
Plus que les outils pour doper la croissance, déjà largement identifiés, l’originalité du rapport est de prôner un « séquençage » précis pour la mise en oeuvre combinée de ces mesures et d’évaluer leur rapport coût/bénéfice. « Notre recommandation est d’engager d’emblée les réformes qui ne produisent leurs effets qu’à moyen terme et dont le coût est immédiat, comme l’enseignement supérieur, d’organiser la montée en puissance du facteur travail par des mesures appropriées pour les jeunes et les seniors, de commencer les réformes structurelles par le marché des biens plutôt que par le marché du travail », résume le rapport.
L’ultime étape serait de concentrer les efforts sur « les noeuds de blocage », au premier rang desquels la grande distribution. Il faut libéraliser ce secteur en abrogeant les lois Royer et Raffarin sur l’implantation des grandes surfaces qui, au lieu de protéger les petits commerces, « ont surtout eu pour effet de restreindre la concurrence entre grandes surfaces », estiment les experts du CAE.
Ils préconisent au même titre la suppression de l’interdiction de revente à perte et de la discrimination tarifaire (loi Galland).
Un « enjeu considérable », soulignent les économistes, citant des études selon lesquelles la France pourrait gagner l’équivalent de 100 milliards d'euros sur 15 ans et 1,2 million d’emplois si son secteur des services et du commerce était aussi concurrentiel et développé que certains de ses voisins.
Les auteurs sont également favorables à la suppression des barrières pour toutes les professions « fermées » (taxis, notaires, vétérinaires) à l’exception des professions médicales. « En matière d’emploi, notre conviction (...) est que la réforme du service public de l’emploi est prioritaire » avec la fusion ANPE/Unedic (assurance chômage), insistent les économistes. « C’est d’elle que peut partir un mouvement plus vaste mais également indispensable de réforme de la formation, de l’indemnisation du chômage et du dialogue social », inspiré notamment du modèle danois de « flexisécurité ».
« Une combinaison de mesures structurelles touchant simultanément à ces différents leviers permettrait d’approcher puis d’atteindre une croissance proche de 3 % l’an au cours des quinze prochaines années, et de la maintenir aux alentours de 2,5 % l’an au-delà de cet horizon », assurent les auteurs.
Selon le rapport, la mise en oeuvre des réformes préconisées se traduirait certes à court terme par un léger creusement du déficit public, de l’ordre de 0,4 point de PIB. Mais les gains de croissance induits permettraient de résorber le supplément d’endettement au bout de dix ans.