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Crise alimentaire : Mobilisation internationale devant les risques de pénurie alimentaire

Article du 15/04/2008

Si en France, l’inflation alimentaire fait gronder, dans certains pays c’est la pénurie alimentaire qui se profile. Par endroits, la nourriture de base est presque devenue un bien de luxe. Du coup, la population se crispe et les émeutes de la faim pourraient devenir de plus en plus fréquentes et vindicatives, voire violente.
Déjà, en Haïti, un des pays les plus pauvres de la planète, la crise alimentaire a généré de violentes manifestations, faisant au moins cinq morts et 200 blessés, et a coûté son poste au Premier ministre. La Banque Mondiale a décidé en urgence d’octroyer 10 millions de dollars au pays et d’envoyer des experts pour aider les autorités haïtiennes à répondre à la crise alimentaire. La Banque Mondiale souligne qu’en Haïti « le prix du riz, du maïs, des haricots, de l’huile de cuisson et d’autres denrées alimentaires de base ont augmenté significativement ces derniers mois ». Le prix d’un sac de 50 kilos de riz, l’aliment de base en Haïti, a doublé pour atteindre 70 dollars dans un pays où 80 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Pour tenter d’apaiser la colère de la population, après une semaine de manifestations violentes et de pillages, le président René Préval a annoncé une baisse de 15 % du prix du sac de riz.
Ces derniers mois, la flambée alimentaire a également entraîné des manifestations violentes en Egypte, au Cameroun, en Côté d’Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso, en Mauritanie, en Ethiopie, à Madagascar, aux Philippines, en Indonésie... Au Pakistan et en Thaïlande, l’armée a même été déployée pour éviter le pillage de la nourriture dans les champs et les entrepôts.
Les organisations multilatérales ont décidé de prendre le problème de la flambée de l’alimentation à bras le corps.

Un problème de santé publique et de sécurité civile

Ce week-end, lors de sa réunion de printemps, la Banque Mondiale a dévoilé des chiffres plus qu’inquiétants. L’organisation estime que la hausse des prix du blé a atteint 181 % en trois ans et celle des prix alimentaires 83 % sur la même période.
Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), la facture des importations céréalières des pays les plus pauvres du monde devrait augmenter de 56 % en 2007/2008 après une hausse significative de 37 % en 2006/2007. Pour les pays à faible revenu et déficit alimentaire en Afrique, cette facture devrait augmenter de 74 %, selon le dernier bulletin Perspectives de récoltes et situation alimentaire de la FAO. Fin mars, les prix du blé et du riz ont doublé par rapport à ceux observés un an plus tôt et les prix du maïs a augmenté de plus d’un tiers, selon le rapport.
La Banque Mondiale considère que 33 Etats dans le monde sont menacés de troubles politiques et de désordres sociaux à cause de la montée brutale des prix des produits agricoles et énergétiques.
Hier, le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, a enfoncé le clou en estimant que la planète se dirigeait « vers une très longue période d’émeutes » et de conflits liés à la hausse des prix et à aux pénuries.
La Banque Mondiale a appelé les gouvernements des pays membres à intervenir d’urgence pour éviter que la crise alimentaire n’appauvrisse encore davantage quelque 100 millions de personnes dans le monde. Le président de l’institution Robert Zoellick a même parlé d’un « New Deal » alimentaire.
Le dirigeant a indiqué que le programme alimentaire mondial (PAM) avait déjà reçu plus de la moitié des 500 millions de dollars qu’il a demandés à la communauté internationale avant le 1er mai. Présent dans 78 pays où il nourrit 73 millions de personnes, le PAM est l’agence humanitaire la plus importante au monde et joue un rôle essentiel concernant la sécurité alimentaire. L’Agence a fourni en aide alimentaire près de 88 millions personnes dans 78 pays dans le monde en 2006.
La Banque Mondiale pour sa part prévoit de presque doubler ses prêts agricoles en Afrique en les portant à 800 millions de dollars.

Une mobilisation internationale

Indépendamment des actions qui seront lancées par la Banque Mondiale, certains pays développés ont annoncé des secours en leur nom propre. Les Etats-Unis ont ainsi débloqué une aide d’urgence de 200 millions de dollars.
« Cette aide alimentaire supplémentaire permettra de faire face à l’impact de la hausse des prix des denrées sur les programmes américains d’aide alimentaire d’urgence, et pourra servir à répondre aux besoins imprévus d’aide alimentaire en Afrique et ailleurs », a indiqué la porte-parole de la Maison Blanche, Dana Perino, dans un communiqué. Cette dernière a souligné que les Etats-Unis étaient le plus grand fournisseur d’aide alimentaire dans le monde. Selon elle, les Etats-Unis ont apporté plus de deux milliards de dollars d’aide alimentaire à des dizaines de millions de personnes dans le monde en 2007.
De son côté, la France a appelé l’Union Européenne à augmenter sa production agricole pour répondre à une demande croissante. La France propose à l’Europe de « produire plus et mieux » et de rester « une puissance agricole forte » pour répondre au « contexte grave de crise » et « aux émeutes de la faim », a-t-elle fait savoir par l’intermédiaire de son ministre de l’Agriculture, Michel Barnier. Ce dernier estime qu’ « il va falloir doubler la production agricole mondiale d’ici à 2050 pour nourrir 9 milliards d’habitants sur la planète ».
Si l’initiative américaine est « neutre », la demande française ne l’est pas à un moment où les 27 Etats européens sont en train d’établir un « bilan de santé » de leur Politique agricole commune (PAC) et quand on sait que la France est très attachée à son agriculture et aux subventions qu’elle reçoit de Bruxelles.
Michel Barnier a aussi demandé une aide spécifiquement agricole plus importante de la part de l’UE aux pays pauvres, pour qu’ils se rapprochent de l’autosuffisance. Il a enfin plaidé en faveur de la plus grande fermeté de l’Europe dans les négociations commerciales mondiales à l’OMC, où l’Europe est sous pression pour réduire ses aides et droits de douanes agricoles.
L’initiative française a dans ce contexte été accueillie avec prudence par ses partenaires européens. Si tous, à l’image de la présidence slovène de l’UE, soulignent la gravité du problème de la flambée des prix alimentaires, certains soupçonnent la France de chercher à profiter du contexte international pour défendre ses intérêts de première puissance agricole de l’UE.

Francebourse.com – Alexandra Voinchet, avec AFP
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