En partance pour la Corse, le Premier ministre a fait hier une halte à Marseille pour parler bateau. Ou plus exactement port puisque François Fillon a profité de cette occasion pour annoncer une réforme des ports autonomes prévoyant la privatisation de la manutention.
Le chef du gouvernement avait particulièrement bien choisi l’endroit : cette annonce répond à une revendication de longue date des responsables patronaux de la filière, relancée par le conflit du port de Marseille avec la CGT en mars 2007.
La position concurrentielle des ports français s’est fortement dégradée depuis 20 ans, situation régulièrement imputée par les responsables des entreprises privées du secteur au statut public des personnels de manutention des sept grands ports autonomes français.
Les ports autonomes sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Sept sur neuf sont concernés par la réforme : Marseille-Fos, Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes-Saint-nazaire, La Rochelle et Bordeaux.
En mars 2007, le conflit avec la CGT avait pris une tournure spectaculaire à Marseille, où le syndicat avait imposé, au terme de 18 jours de grève, l’embauche de cinq salariés du port autonome sur le futur terminal méthanier de GDF alors que l’entreprise souhaitait l’exploiter avec son propre personnel.
Les annonces
La « faiblesse » des ports autonomes réside, selon François Fillon, dans « le manque de productivité » des terminaux dû à un « obstacle rédhibitoire » : « l’absence d’unité de commandement entre les activités de manutention exercées par les ports autonomes et celles des entreprises de manutention ».
Pour y remédier, la réforme devra prévoir de « transférer les activités de manutention exercées par les ports à des opérateurs privés », a annoncé le Premier ministre hier à Marseille. La privatisation devrait toucher en particulier les activités des grutiers comme cela a déjà été le cas pour les dockers, devenus en 1992 salariés des entreprises de manutention. « Quelques milliers d’emplois seraient concernés » par le changement de statut voulu par le gouvernement, selon l’entourage du Premier ministre.
La concertation menée par le secrétaire d’Etat aux Transports, Dominique Bussereau, devrait débuter dès aujourd’hui. La réforme « devrait pouvoir se concrétiser par des mesures législatives au printemps prochain », selon son initiateur.
A terme, cette réforme devrait permettre de dynamiser l’activité portuaire française. Le Premier ministre a fixé comme objectifs l’augmentation d’ici 2015 du trafic de conteneurs de 3,5 à 10 millions et la création de 30 000 emplois, alors que la France a perdu « la moitié de (ses) parts de marché dans le trafic de conteneurs au cours des 20 dernières années ».
Les réactions
Le projet, qui répond à certaines des préoccupations patronales, a soulevé dès hier des protestations.
Du côté de la CGT, « une fois de plus, les partenaires sociaux sont pris à contre-pied (...) il n’y a plus rien à discuter », a déploré la secrétaire de l’Union départementale-CGT des Bouches-du-Rhône, Mireille Chessa.
Sur le terminal à conteneurs de Fos 2xl à Marseille, en cours de construction et dont l’exploitation a d’ores et déjà été concédée par le Port autonome de Marseille (Pam) à Port Synergy (groupement CMA-CGM/P&O Ports) et à l’armateur italien MSC, la question de la privatisation des emplois des grutiers et des portiqueurs, a longtemps été taboue.
Du côté de la Fédération des Entreprises de Transport et de Logistique de France (TLF), on a salué cette démarche, se félicitant particulièrement, dans un communiqué, « du transfert de l’ensemble des grutiers-portiqueurs sous l’autorité de sociétés privées de manutention ».
Les acteurs économiques locaux de la région de Marseille semblent plutôt réjouis. Jacques Pfister, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille Provence, s’est félicité de cette décision « susceptible d’influer fortement sur l’avenir du Pam ».