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Les mesures de Nicolas Sarkozy pour lutter contre la pédophilie : annonces et effet d’annonces

Article du 21/08/2007
Le verdict ne s’est pas fait attendre. Dans un climat plus que tendu après les multiples ratés découverts lors de l’enquête sur le kidnapping et le viol du petit Enis, l’opinion publique attendait une annonce forte.
Nicolas Sarkozy, à peine rentré de vacances, n’a pas manqué d’apporter des réponses à la hauteur des attentes, en énonçant plusieurs mesures fortes, propres à satisfaire la demande latente.
Il faut dire que les questions qui entourent l’affaire Francis Evrard ne manquent pas d’interpeller. Comment un médecin a-t-il pu lui prescrire du Viagra, un médicament contre les troubles sexuels masculins, étant donné son dossier judiciaire et médical ? Comment aurait dû s’organiser le suivi du pédophile récidiviste Francis Evrard ? Sa libération était-elle justifiée ?
Autant d’interrogations spécifiques à cet effroyable fait divers mais qui soulève des problèmes bien plus large et difficilement à résoudre : quel suivi psychologique et médical pour les pédophiles ? Comment empêcher la récidive ? Au final, est-on condamné à être pédophile toute sa vie ?
Freud aurait pu tergiverser longtemps et nous éclairer de ses lanternes. Il serait d’ailleurs bon de relire ses écrits à l’heure actuelle.
Nicolas Sarkozy a tranché : on est et reste pédophile. Dès lors, les mesures « sévères » promises par le président de la République ont tourné autour de la question de savoir comment empêcher toute récidive et non de comment soigner ces malades.
Nicolas Sarkozy s’était déjà fait remarquer il y a quelques mois pour ses propos sur une possible origine génétique à la pédophilie. Dans la même veine, hier, le Chef d’Etat a donc mis en avant deux mesures : un hôpital fermé pour pédophiles « pour que ces gens-là ne sortent jamais » et la « castration chimique » pour ceux qui accepteraient de se faire soigner.
Le verdict semble implacable : ce n’est pas le retour de la peine de réclusion à perpétuité, mais presque. Des propos qui bien évidemment n’ont pas manqué de faire naître immédiatement une polémique sur les ratés de l’aide judiciaire aux détenus malades, aux difficultés de la réinsertion et du suivi des prisonniers…

Hôpital-prison ?

Entouré de Rachida Dati, la ministre de la Justice, et Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, hier, sur le perron de l’Elysée, Nicolas Sarkozy n’a pas versé dans l’émotion pour apporter une réponse ferme suite à l’affaire Enis, dont il avait auparavant rencontré la famille.
Pas de remise de peine. Les pédophiles devront purger l’intégralité de leur peine. « Je ne comprend pas qu’on soit condamné à vingt-sept ans et qu’on n’en fasse que dix-huit, a déclaré Nicolas Sarkozy. Je ne comprends pas qu’un type comme ce M. Evrard se retrouve en liberté. »
« Tout le monde savait que cet individu était dangereux, et pourtant cet homme a pu sortir, a pu mentir, donner une fausse adresse, disparaître, kidnapper un enfant et lui faire subir un traitement indigne. Cette situation n’est pas acceptable »
, s’est insurgé le chef de l’Etat.
Premier élément de solution : un hôpital fermé pour accueillir les pédophiles qui, à l’issue de leur peine, ne seraient pas jugés capables de se réinsérer dans la société. Une structure qui serait donc en quelque sorte le prolongement des maisons pénitentiaires. La décision serait laissée à « un collège de médecins » qui examinerait la « dangerosité » cas par cas.
« Ceux qui n’accepteront pas d’être soignés resteront dans cet hôpital fermé le temps où on estimera qu’ils sont dangereux. Ceux qui accepteront d’être soignés pourront avoir des permissions et pourront sortir de cet hôpital fermé mais le feront en portant un bracelet électronique », a poursuivi Nicolas Sarkozy.
Le premier hôpital pourrait être créé à Lyon en 2009. L’idée n’est pas totalement nouvelle : l’Allemagne a mis en place des structures analogues et en France, dans la prison de Caen, celle-là même où était détenu Francis Evrad et dont 75 % des prisonniers ont été condamnés pour crimes sexuels, il existe un centre médico-psychologique ad hoc.
Le bémol et non le moindre : ouvert il y a quatre ans, ce centre ne fonctionne plus que partiellement « faute de moyens », selon le syndicat pénitentiaire Unsa-Ufap.
Autre mesure évoquée par Nicolas Sarkozy : la « castration chimique ». Nicolas Sarkozy s’est déclaré favorable au « traitement hormonal » pour les pédophiles « qui accepteront de se faire soigner ». « On peut dire ‘castration chimique’, les mots ne me font pas peur », a lancé le président.
A l’heure actuelle, plus de mille délinquants sexuels ont l’obligation de consulter un médecin dans le cadre du suivi sociojudiciaire. Une mesure, créée en 1988, renforcée par la loi sur la récidive présentée cet été par Rachida Dati et qui ajoute une obligation de soins.

Un arsenal législatif renforcé

Ces mesures feront l’objet d’un projet de loi en novembre, visant à renforcer l’arsenal législatif contre la récidive.
Elles interviennent quelques jours après la publication au Journal Officiel de la loi sur la récidive adoptée début août. Nicolas Sarkozy ne veut pas désavouer le texte de Rachida Dati mais, au contraire, l’enrichir.
« Tout doit être mis en oeuvre pour que ça ne se reproduise pas (...) J’ai donc demandé au garde des Sceaux qu’elle prépare un texte pour le mois de novembre » dans le cadre de la loi pénitentiaire « pour que, s’agissant des délinquants sexuels, la question des remises de peines ne soit posée qu’en fin d’exécution et non pas au début ».
En outre, Nicolas Sarkozy a demandé à ses ministres « de rédiger à brefs délais, c’est-à-dire pour novembre, un texte qui prévoira (...) que nous ferons maintenant la différence, s’agissant des délinquants sexuels, entre l’exécution de la peine et les questions de sûreté ».
La ministre de la Santé doit ainsi plancher sur « un ensemble de mesures pour améliorer le traitement des malades psychiatriques actuellement en prison ».
En attendant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures, une circulaire sera envoyée à l’ensemble des juridictions « pour demander l’extrême vigilance pour les délinquants sexuels qui sortent de prison » et renforcer le suivi de leur contrôle judiciaire et de leur traitement médical.

Premières critiques

Hier enfin, Nicolas Sarkozy a, lors de son discours, tenté de devancer les critiques : « On ne peut pas tout mettre sur la question des moyens. » Car nombreux sont ceux qui mettent en avant le manque de moyens, financiers et humains, pour mettre en œuvre des mesures d’accompagnement et de suivi des détenus lors de leur emprisonnement, arguant que tout ne peut se faire après une remise en liberté et que le temps passé derrière les barreaux peut-être utile pour soigner une personne malade.
Les délinquants sexuels représentent pourtant de 22 à 26 % de la population pénale. Selon les psychiatres, 10 à 15 % des 12 000 auteurs d’agressions sexuelles actuellement incarcérés présentent un risque de récidive élevé.
Ainsi, pour l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), « l’arsenal juridique est suffisant mais nous manquons d’argent », qui prend l’exemple du bracelet électronique, uniquement disponible en dix exemplaires. Au Canada toutefois, il a permis de réduire la récidive de moitié.
Pour Laurence Mollaret, vice-présidente du Syndicat de la Magistrature, sur LCI, ces annonces ne vont « pas dans le bon sens parce que c’est ajouter à une première mesure de peine, une nouvelle mesure privative de liberté, qui a des risques très grands de voir confondus la réponse judiciaire et le traitement médical ».

Une ordonnance étonnante

Manque de coordination également. Le médecin de la prison de Caen a avoué hier avoir prescrit du Viagra, la célèbre pilule bleue contre l’impuissance sexuelle masculine, à Francis Evrard, sans avoir eu accès au dossier pénal de celui-ci.
Dans les faits, le dossier pénal d’un détenu « n’est pas transmis systématiquement » au médecin, mais celui-ci peut le demander s’il l’estime « nécessaire ».
Hier soir sur France 2, la ministre de la Justice a souhaité « que l’administration pénitentiaire puisse avoir accès au dossier médical de la même manière que les médecins puissent avoir accès au dossier pénitentiaire ».
« Il faudra que l’administration pénitentiaire puisse avoir accès au dossier médical de la même manière que les médecins puissent avoir accès au dossier pénitentiaire »
, a déclaré Rachida Dati.
Revenant sur la prescription de Viagra à Francis Evrard, la ministre a affirmé que « toute la clarté sera faite sur cette prescription de Viagra, dans quelles conditions elle a pu se faire ».

Multi-récidiviste

Autre information mis à jour hier : Francis Evrard, qui a enlevé et violé à Roubaix le petit garçon de 5 ans, a déclaré avoir « connu » une quarantaine d'enfants, tout en n'ayant été condamné que pour trois agressions, rapporte le journal Aujourd’hui en France/Le Parisien.
Un aveu pris avec des pincettes par les enquêteurs : « Il est impossible aujourd’hui de dire s’il a violé 40 enfants. Il peut aussi s’agir d'autres faits que des viols : attouchement sexuel, exhibitionnisme... », nuance un policier cité par le journal.
Par ailleurs, Le Figaro publie des extraits d’un « document sonore censé reproduire des propos tenus par le violeur présumé du jeune Enis avant sa libération ».
« Je flashe sur les gamins, et alors, ce n’est pas pour ça que je vais m’en taper un quand je serai dehors »
, y confie notamment Francis Evrard en juin, moins d’un mois avant sa sortie.
Evoquant sa maladie qu’il considère « parfois comme une pulsion qui le prend », il déclare : « Je vais tout faire pour la bloquer. Si je pense qu’il va se passer quelque chose avec un enfant, je prendrai un cachet pour m’empêcher d’agir ».
Agé de 61 ans, Francis Evrard a déjà été condamné en 1975 à 15 ans de réclusion criminelle pour attentats à la pudeur sur mineurs, en 1985 à 4 ans de prison pour des faits identiques et en 1989 à 27 ans de réclusion criminelle, dont deux tiers de sûreté, pour des viols sur deux garçons mineurs. L’homme avait été mis en liberté conditionnelle le 2 juillet dernier après « avoir effectué la totalité de sa peine » et était depuis sous le régime de la « surveillance judiciaire ».

Francebourse.com – Alexandra Voinchet, avec AFP
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