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La Russie coupe les vannes de pétrole en Biélorussie

Article du 09/01/2007
Incapable de résoudre le différend énergétique qui opposait la Biélorussie à la Russie depuis fin décembre, Moscou a décidé d’employer la manière forte en stoppant ses livraisons de pétrole à destination de la Pologne et de l’Allemagne. Le géant russe entend par là punir la Biélorussie et surtout déstabiliser le pays face à l’Union européenne.
Depuis décembre dernier, les deux pays n’arrivent pas à trouver de terrain d’entente. Concernant l’approvisionnement en gaz à la Biélorussie, Gazprom entend augmenter ses tarifs de 46 à environ 110 dollars les 1 000 mètres cubes et par la même s’arroger une participation dans Beltrangaz, société biélorusse qui assure le transit et la distribution du gaz à travers le pays. Premier refus de Minsk qui menace de couper les robinets des conduits qui traversent son territoire pour alimenter l’Europe de l’Ouest en gaz et en pétrole.
Mais le 1er janvier, la Russie augmente ses tarifs : Minsk doit désormais payer une taxe de 100 dollars pour chaque tonne de gaz russe transitant sur ses terres.
Nouveau soubresaut la semaine dernière. Pour compenser cette hausse des tarifs, Alexandre Loukachenko, l'autoritaire président de la Biélorussie, annonce l’instauration d’une taxe de 45 dollars sur chaque tonne de pétrole russe transitant par ses oléoducs et qu’elle poursuivra la compagnie russe Transneft pour non-paiement de cette taxe. « La Russie ne peut rien nous reprocher. Nous avons fait tout ce qu’elle a voulu. Le temps est venu d’exiger de la Russie qu’elle remplisse ses promesses. Si tel n’est pas le cas, nous devons avoir toute la liberté d’action », a menacé Alexandra Loukachenko.
Moscou a réagi sans attendre. Sous couvert de l’argument que Minsk siphonne « illégalement » du pétrole passant par l’oléoduc de Droujba – qui signifie amitié en russe, Moscou coupe les vannes. « Depuis le 6 janvier, la partie biélorusse a de façon unilatérale et sans prévenir personne commencé à prélever illégalement du pétrole à partir de l’oléoduc de Droujba, qui est le seul à faire transiter du pétrole vers les consommateurs d’Europe occidentale », justifie-t-on chez Transneft, qui possède le monopole des oléoducs en Russie.
Mais ce n’est pas tant la situation biélorusse qui inquiète que celle des pays situés en aval de ce pipeline. La Russie fait transiter chaque année environ 100 millions de tonnes de pétrole à destination de la Pologne, de l’Allemagne, de la République Tchèque, de la Slovaquie et de la Lituanie par le territoire biélorusse. Environ 22 % du « carburant bleu » à destination de l’Europe transite par la Biélorussie contre 78 % par l’Ukraine. A lui seul, l’oléoduc de Droujba voit passer 40 millions de tonnes de pétrole et fournit 20 % des importations annuelles allemandes.

Un oléoduc nommé « amitié »
Si l’approvisionnement européen ne semble pas pour le moment menacé, la Hongrie se préparait hier soir à une interruption des livraisons nocturnes. Pour l’heure, les pays principalement touchés disposent de réserves suffisantes. Ainsi, Varsovie peut continuer à s’approvisionner en gaz russe via l’Ukraine et « la Pologne dispose également de réserves stratégiques de pétrole et d’autres carburants pour 80 jours, qui seront utilisées en cas de besoins », a déclaré le Ministère de l’Economie polonais. 96 % du brut traité dans les raffineries polonaises vient de Russie. De son côté, l’Allemagne devrait intensifier son approvisionnement maritime, via le port de Rostock. Un porte-parole de Total Allemagne a confirmé que les livraisons avaient été arrêtées durant la nuit. « Mais l’approvisionnement des clients est assuré pour l’instant comme d’habitude et les raffineries fonctionnent », a-t-il déclaré.
La Commission européenne se veut rassurante et souligne qu’il n’y avait « aucun risque à court terme pour l’approvisionnement de l’Union européenne ».
Cette nouvelle crise énergétique pose de nouveau plusieurs questions : comment améliorer la sécurité et l’indépendance énergétique européenne ? Dans quelle mesure la puissance de la Russie est-elle une menace ? Quid des anciennes républiques satellites de Moscou ?
La crise du gaz russe qui avait secoué l’Europe de l’Est l’année dernière reste encore vive dans les mémoires. Le chantage n’est pas apparu seulement comme une affaire d’argent mais surtout comme une arme politique de la part de la Russie. Gazprom, le monopole national, fournit environ la moitié du gaz consommé dans l’UE et 80 % de ce volume transite par des gazoducs passant par l’Ukraine. L’absence d’une véritable Europe de l’énergie s’était alors faite cruellement sentir à travers ce différend.
Les menaces qui pèsent sur les licences de Shell ou Total, écarté de l’exploitation du projet Chtokman - ce gisement très prometteur, en mer de Barents, sera réservé à Gazprom -, incitent les dirigeants européens à la méfiance. Les compagnies pétrolières étrangères devront tôt ou tard s’effacer devant Gazprom et Rosneft, emblèmes de la mainmise étatique sur ce secteur. Pendant ce temps, la Russie place ses pions sur le marché européen. Le gaz et le pétrole sont les armes d’une Russie conquérante qui souhaite être prioritaire pour acheter des participations dans le capital des compagnies gazières européennes en échange de la matière première.
Alors que Moscou cherche à placer ses pions en Europe, il doit affronter plusieurs parties de bras de fer avec ses anciens alliés. Jusqu’alors, la Biélorussie avait toujours gardé de bons contacts avec son ancien allié russe et bénéficiait encore de prix d’amis en matière d’énergie. Ces tarifs avantageux ont d’ailleurs permis à ce petit pays, qui passe pour une des dernières dictatures d’Europe, d’empocher de considérables bénéfices, en revendant ses surplus pétroliers retraités à ses voisins aux prix du marché. Mais le processus d’élargissement européen, qui s’étend de plus en plus à l’est, y est peut-être pour quelque chose dans ce revirement d’état d’esprit. La Biélorussie se sent aujourd’hui prête à s’affranchir de la tutelle russe. Dans cette guerre commerciale, elle dispose pour cela de deux atouts : sa position stratégique et l’aide de l’Iran.
Autre « mutinerie » : également froissé par la hausse des tarifs du gaz russe, l’Azerbaïdjan a décidé de cesser d’approvisionner la Russie.

Francebourse.com – Alexandra Voinchet
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