Economie : Le gouvernement salue l’impact de la loi Tepa
Article du 22/08/2008
La loi Tepa ou loi Travail, emploi, pouvoir d’achat, communément appelée « paquet fiscal », souffle sa première bougie. Elle souffle également le froid et le chaud. Pour son promoteur, le gouvernement, le bilan est positif alors que celui de économistes est beaucoup plus mitigé.
La loi Tepa devait créer un « choc de confiance et de croissance » et apporter à la France 0,3 point de croissance. Elle a surtout permis, selon le gouvernement, de limiter le ralentissement de la croissance. Cette loi, « adoptée au moment précis où la crise financière internationale produisait ses premiers effets (...) a ainsi largement atténué les conséquences du ralentissement économique », se félicite-t-on à Bercy.
Heures supplémentaires, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, bouclier fiscal à 50 %, pour le gouvernement, ces mesures ont largement contribué à supporter l’économie française au cours des derniers mois.
La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, donne l’exemple des heures supplémentaires exonérées et défiscalisées : « plus 40 % au premier trimestre 2008 par rapport au premier trimestre 2007, c’est clairement un succès qui résiste même à une croissance ralentie », a-t-elle lancé hier. Selon elle, « 55 % des entreprises de France utilisent le mécanisme » et « 6 millions de salariés en bénéficient aujourd’hui ».
La déduction des intérêts d’emprunt immobiliers a, elle, bénéficié à 320 000 foyers de mai 2007 à fin décembre 2007. La mesure permet de déduire une partie des intérêts d’emprunts immobiliers pour les résidences principales. Le crédit d’impôt est égal à 40 % des intérêts d’emprunt payés la première année de remboursement, à 20 % les quatre années suivantes. Il est plafonné à 3 750 euros pour une personne seule, 7 500 euros pour un couple majoré de 500 euros par personne à charge.
Dans le cadre du bouclier fiscal à 50 %, quelque 213 millions d’euros ont été reversés au premier semestre. Cette mesure a coûté cette année moins cher que prévu, se félicite le gouvernement. Pour Bercy, c’est la preuve que la loi Tepa n’était pas « un cadeau aux riches, mais un effort budgétaire devant profiter à tous ».
L’aménagement de l’impôt sur la fortune (ISF) pour les contribuables investissant dans des PME a permis d’orienter plus de 930 millions d’euros vers ces entreprises, selon Bercy.
Selon Bercy, la loi Tepa représente en 2008 un investissement de 7,7 milliards d’euros, soit moins que les 10 milliards prévus l’an dernier.
Le bilan des économistes français est moins flatteur.
Difficile de chiffrer les bénéfices des heures supplémentaires, mettent-ils en garde. L’Acoss (qui fédère les Urssaf) ne s’estime pas en mesure, à partir des déclarations des entreprises, de chiffrer le nombre de salariés faisant des heures supplémentaires. Toujours est-il que la part des entreprises utilisant les exonérations liées au dispositif sur les heures supplémentaires a très légèrement diminué au second trimestre alors que les heures supplémentaires déclarées et le montant de cotisations exonérées ont crû, selon des données publiées mardi par l’Acoss. Lors du second trimestre, 38,6 % des entreprises ont recouru au mécanisme issu de la loi Travail, Emploi, Pouvoir d’Achat (Tepa), contre 38,8 % au premier trimestre. Parallèlement, le nombre d’heures supplémentaires ayant donné lieu à exonération est passé de 172,6 millions au premier trimestre à 182,4 millions au deuxième trimestre. Le montant total des cotisations sociales (employeurs et salariés) exonérées sur ces heures supplémentaires est passé de 660,2 millions d’euros au premier trimestre à 695,8 millions d’euros au second trimestre, soit une hausse de 5,4 %.
« La hausse des rémunérations découlant de l’augmentation du nombre d’heures sup a forcément dopé un peu la consommation et l’activité », relativise l’économiste Nicolas Bouzou.
D’autres sont plus circonspects et soulignent que les entreprises ont pu transformer des primes ou hausses de salaires en heures supplémentaires pour payer moins de charges. Des heures autrefois effectuées au noir auraient également pu être blanchies.
Pour Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « si une heure supplémentaire travaillée rapporte un peu plus qu’avant, cela coûte aussi plus cher à l’Etat ». « En supposant que le dispositif apporte 0,2 point de PIB supplémentaire, il creuse le déficit d’autant », a-t-il calculé.
La mesure qui instaure la déduction des intérêts d’emprunt immobiliers a eu des effets limités sur le secteur du logement, selon une enquête auprès des professionnels du secteur menée par l’AFP. Pour Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université de Paris X-Nanterre, « dans la situation actuelle, c’est plus une bouée de sauvetage qu’un dispositif d’incitation ». « L’effet attendu par cette mesure a été très fortement réduit par la dégradation des conditions d’emprunt - les taux d’intérêt ont augmenté de 1 % en un an - et par la difficulté actuelle d’accès au crédit immobilier du fait de la politique des banques », souligne également Henry Buzy-Cazaux, le délégué général de la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier). « Dans la perception des clients, il y a un trop grand décalage entre l’achat et cette mesure dont ils ne commencent à voir les effets financiers qu’à partir de 18 mois après le passage chez le notaire », déplore Bernard Cadeau, président du réseau d’agences immobilières Orpi. « Malheureusement le crédit d’impôt, qui fait partie d’un saupoudrage fiscal, a été absorbé par l’augmentation des prix pratiqués par les vendeurs », regrette Pierre Taboret, directeur général adjoint de CAFPI, le premier courtier de crédit immobilier en France. Autre inconvénient : les établissements financiers « n’intègrent pas dans leurs calculs pour les prêts immobiliers les économies, parfois importantes, réalisées grâce à ces déductions futures », ajoute Bernard Cadeau.
Question coût, celui de cette mesure à la charge de l’Etat serait cette année compris entre 250 et 300 millions d’euros, d’après Michel Mouillart. Selon lui, en 2009, première année pleine de son application, 750 000 ménages (220 000 dans le neuf, 530 000 dans l’ancien) devraient en bénéficier pour un montant total de 1,150 milliard d’euros.
Autre critique des économistes sur la loi Tepa. Les mesures « bénéficient principalement aux plus aisés, dont la propension à consommer est justement la plus faible », critique Eric Heyer.
A l’instar du PS, de nombreux économistes critiquent pourtant une loi coûteuse qui a ôté à l’Etat toute marge de manoeuvre budgétaire. Pour Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis, « avec le paquet fiscal, le gouvernement a grillé ses dernières cartouches ».