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Une trêve bien mince dans un Liban fragilisé

Article du 23/05/2007
Camp de Nahr al Bared, nord du Liban. L’heure est à l’accalmie. Après trois jours d’affrontements entre des militants du Fatah al Islam et des militaires libanais, le « cessez-le-feu » unilatéral, déclaré hier soir par le mouvement et accueilli avec suspicion par l’armée libanaise, laisse un peu de répit aux plus de 31 000 réfugiés palestiniens qui vivent habituellement dans ce camp.
La population profite d’ailleurs de cette pause pour fuir par milliers la zone des combats. Après avoir fait près de 70 victimes et des dizaines de blessés, l’assaut lancé par les soldats libanais sur un groupe de miliciens extrémistes, sous le prétexte d’un cambriolage de banque, est en train de mettre sur les routes des milliers de Palestiniens. Un corridor humanitaire autorisé par l’armée a été mis en place aux entrées sud du camp pour permettre aux populations de rejoindre un autre abri de fortune, à Baddaoui où vivent déjà 16 000 réfugiés. Cette région du Nord Liban abrite quelques 12 campements de fortune de la diaspora palestinienne et plus de 40 000 réfugiés.
A Nahr al Bared, les dégâts provoqués par les bombardements rivaux pourraient encore alourdir la liste des victimes. Il n’y a plus eau ni électricité. Les secours n’ont pas encore pu pénétrer le périmètre. Hier après-midi, un premier convoi humanitaire de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA) a été la cible de tirs après son entrée dans le camp.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a déploré cette attaque. « Ces actes constituent une offensive contre la stabilité et la souveraineté du Liban et ont sérieusement mis en danger les civils. Elles doivent cesser immédiatement », a-t-il affirmé dans un communiqué.

Le Fatah al-Islam, l’ombre de la Syrie

Au-delà de la volonté d’arrêter les voleurs présumés, ces heurts entre l’armée libanaise et les miliciens du Fatah al-Islam en disent long sur le désir des autorités libanaises d’éradiquer ce mouvement militant sunnite, qui a fait du camp de réfugiés de Nahr al Bared sa base opérationnelle l’année dernière. Un bastion idéal pour ces miliciens dans la mesure où les camps de réfugiés constituent une zone de non droit particulièrement difficile à appréhender sur le plan de législation. Aux termes d’accords libano-palestiniens conclus il y a 38 ans, les forces de l’ordre libanaises ne sont pas autorisées à entrer à l’intérieur des camps palestiniens. Les activistes palestiniens violent eux le droit de l’ONU en étant armés dans un camp de réfugiés.
Basé en Syrie, le Fatah al-Islam est un groupuscule extrémiste palestinien - qui emploie également d’autres nationalités arabes et des anciens combattants en Irak -, émanation du prosyrien Fatah-Intifada, qui fit sécession du Fatah de Yasser Arafat au début des années 1980 et opposé au Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas.
Le mouvement dit partager les analyses d’Al Qaïda, sans pour autant entretenir de liens opérationnels avec la nébuleuse dont Oussama ben Laden.
Son leader, Chaker al-Absi, est recherché dans trois pays depuis sa libération en Syrie. Parmi les militants du Fatah al-Islam tués par l’armée libanaise figurerait Saddam el-Hajdib, numéro 4 de l’organisation et soupçonné de participation à un attentat avorté contre un train l’été dernier en Allemagne. Considéré comme proche de l’ancien chef d’Al-Qaïda en Irak al-Zarqaoui, l’homme avait été jugé par contumace au Liban en relation avec cette tentative d’attentat.
Le Fatah al-Islam est soupçonné par les autorités libanaises d’être l’outil des services de renseignement syriens dans une tentative de déstabilisation du Liban. Damas dément. Mais les relations entre les deux pays ont toujours été plus que tendues.
En février 2005, la mort criminelle de l’ancien premier ministre Rafic Hariri est pour beaucoup de Libanais le fait de la Syrie. Cet attentat provoque des manifestations libanaises sans précédent contre l’occupation syrienne. Mi-mars, sous la pression de la rue et la pression internationale, et après 30 ans de contrôle, Damas déclare à l’ONU son intention de retirer l’ensemble de ses forces et personnels de renseignement du Liban. Un retrait effectif mais à reculons durant tout le printemps 2005 même si la multiplication des attentats contre des personnalités politiques durant le restant de l’année 2005 témoigne pour certains d’un reliquat de présence syrienne au Liban.

Washington réagit

Face à l’ampleur de cette crise mais aussi brandissement la menace d’un embrasement de la région toute entière en cas de montée en puissance des extrémistes, les autorités libanaises se tournent vers les Etats-Unis. Le gouvernement libanais a ainsi demandé à Washington une aide militaire accrue pour son armée.
Demande entendue puisqu’une porte-parole du Pentagone a fait état d’une enveloppe de 30,4 millions de dollars en munitions, camions et pièces détachées pour hélicoptères et véhicules. « Le Liban a raison de tenter de protéger sa population, de faire respecter sa souveraineté et nous soutenons donc beaucoup les efforts du gouvernement Siniora », a déclaré la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice. Toutefois, rien n’est encore effectif : le Congrès a 15 jours pour approuver ou refuser cette aide.
Une participation indirecte des Etats-Unis pourrait être considérée par la Maison Blanche comme ayant un intérêt. La Syrie figure dans l’Axe du Mal décrété par les Américains et si, pour l’heure, une intervention militaire directe paraît difficile à envisager, tout projet de déstabilisation est bon à prendre.

Un épisode douloureux pour le Liban

Ces heurts, qui ont lieu quasiment un an après la guerre entre le Liban et Israël, sont les pires violences intérieures que le Liban ait subies depuis la guerre civile de 1975-90. Le Pays du Cèdre, fort de 4,5 millions d’habitants, est malheureusement habitué aux conflits dans son histoire. Le dernier en date, avec Israël en 2006, déclenché suite à un accrochage entre le Hezbollah et l’armée israélienne à la frontière, a mis à sac les réussites de sa reconstruction et de son renouveau économique. Ces violences ont fait plus de 1 200 morts parmi la population civils, dont 30 % d’enfants de moins de 12 ans, et près d’un million de déplacés. Le coût des destructions au Liban est estimé à au moins 15 milliards de dollars. Sans compter l’instabilité politique et économique qui est le quotidien du pays depuis l’assassinat de Rafic Hariri.
Les Etats-Unis ont déjà accordé 40 millions de dollars d’assistance militaire au Liban en 2006 et 5 millions en 2007. Une enveloppe grossie par d’autres contributeurs internationaux, parmi lesquels la France qui a toujours eu des liens étroits avec le Liban. D’ailleurs, en janvier dernier, Paris avait accueilli une réunion internationale pour tenter de sortir le Liban de la banqueroute - la dette libanaise atteint les 41 milliards de dollars.
Mais ces aides restent toutefois insuffisantes pour remettre le pays sur pied, assurer les nécessaires réformes socio-économiques et politiques, redresser l’économie, permettre les opérations de déminage et d’enlèvement des engins non explosés…
La reprise des violences au Liban n’est donc pas de bon augure. La tension est palpable. Hier, dans le centre de Tripoli, l’autre grande ville du pays, un membre du groupe islamiste Fatah al-Islam s’est fait exploser dans un appartement où il s’était réfugié pour échapper à la police.
Outre les affrontements de Nahr al Bared, deux attentats, démentis par le Fatah al-Islam, ont frappé Beyrouth, la capitale, dimanche et lundi, dont un dans le quartier chrétien d’Achrafiyé.

Francebourse.com – Alexandra Voinchet
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