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Sécurité Sociale : le « trou »

Article du 06/07/2007
12 milliards d’euros pour 2007. Contrairement aux objectifs étatiques, le « trou de la Sécu » devrait se creuser en 2007. Le déficit de la Sécurité Sociale était ressorti à 8,7 milliards d’euros l’année dernier et le gouvernement tablait sur 8 milliards pour 2007 dans son Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Les prévisions de la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) d’ « un retour à un déficit très élevé », de l’ordre de 12 milliards d’euros, devraient faire vaciller le discours des pouvoirs publics qui prônent depuis trois ans les efforts en termes d’économies à grand renforts de mesures, de parcours de soins obligatoires et, dernièrement, de franchises médicales – très contestées.
2007 pourrait donc voir un déficit de la Sécu ramené au niveau de 2004 et 2005, indique la CCSS, soit avant la mise en place des réformes.

Un constat d’échec

Cette dégradation des comptes de la « Sécu » est en grande partie liée aux déficits des branches vieillesse et maladie. Cette dernière accuserait ainsi un déficit de 6,4 milliards d’euros cette année, après 5,9 milliards en 2006, selon les prévisions de la CCSS. Le gouvernement misait sur un déficit contenu à 4 milliards d’euros.
« C’est une situation inacceptable qui nécessite une réaction forte en 2007, mais aussi une réaction plus globale et plus structurelle au delà, c’est une question de responsabilité et même de morale », a déclaré le ministre du Budget et des Comptes publics, Eric Woerth, mercredi.
La CCSS constate « une reprise des dépenses » liées aux arrêts de travail et aux médicaments. Entre janvier et mai 2007, les remboursements sont également en hausse de 5,4 % par rapport à la période correspondante en 2006.
La branche vieillesse creuse également son déficit, passant de 1,9 milliard d’euros en 2006 à un solde estimé par la CCSS à - 4,7 milliards d’euros, au lieu des - 3,5 prévus en septembre dernier. Le déficit serait lié au « fort accroissement » depuis 2005 du nombre de départs en retraites qui devrait atteindre cette année 740 000 (contre 640 000 en 2005), explique la CCSS.
La branche famille réduirait très légèrement son déficit à 700 millions d’euros contre 900 l’année dernière.
Enfin, la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) serait en déficit de 300 millions d’euros en 2007, après 100 millions en 2006.



Les chiffres du régime général de la Sécurité sociale :
En 2005, déficit de 11,6 milliards du régime général, dont :
8 milliards pour la branche maladie
0,4 milliard pour la branche accidents du travail
1,9 milliard pour la branche vieillesse
1,3 milliard pour la branche famille
En 2006, déficit de 8,7 milliards du régime général, dont :
5,9 milliards pour la branche maladie
0,1 milliard pour la branche accidents du travail
1,9 milliard pour la branche vieillesse
0,9 milliard pour la branche famille
En 2007, déficit de 12 milliards du régime général, dont:
6,4 milliards pour la branche maladie
0,3 milliard pour la branche accidents du travail
4,7 milliards pour la branche vieillesse
0,7 milliard pour la branche famille



Des assurés mis à contribution

Alors même que la CCSS faisait part officiellement de ses alertes, mercredi après-midi, les ministres de la Santé Roselyne Bachelot et des Comptes publics Eric Woerth ont présenté un plan de redressement, qui s’appuie sur les mesures proposées le 19 juin dernier par le directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), Frédéric van Roekeghem.
Objectif : récupérer quelques deniers pour combler le « trou de la Sécu ». Mais le plan qui prévoit de réaliser 1,225 milliard d’euros d’économies en année pleine à grand renfort de contribution pécuniaire de l’assuré sera loin d’être suffisant pour compenser le déficit de la branche maladie de la Sécurité sociale uniquement. Rien n’est spécifié pour les trois autre branches : vieillesse, famille, AT-MP.
« Les propositions des caisses reprises par le gouvernement s’articulent autour de quatre principes fondamentaux : constituer une réponse adaptée au dépassement de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM), agir dans la continuité des orientations retenues au cours des dernières années, en particulier en s’inscrivant dans la logique de maîtrise médicalisée, faire peser le redressement sur les postes de dépassement et répartir les mesures de la façon la plus juste possible sur l’ensemble des acteurs (offreurs de soins, assurés, industrie pharmaceutique) », précise le document publié par la CCSS.
Ce plan devrait permettre de réaliser des économies d’un montant de 417 millions d’euros dès cette année, marquée par un dérapage de quelque 2,4 milliards d’euros de l’assurance maladie (soit 6,4 milliards d’euros de déficit au total).
Les assurés seront mis à contribution à hauteur de 350 millions d’euros sur un an, avec des baisses de remboursement ciblées et un déplafonnement du forfait d’un euro par acte médical. « Ces mesures devraient entrer en vigueur au dernier trimestre de 2007 », a précisé mercredi Roselyne Bachelot.
Dans les faits, les patients qui consulteront un spécialiste sans passer par leur médecin traitant, c’est-à-dire sans suivre le parcours de soin obligatoire, ne seront plus pris en charge qu’à 50 % par la Sécurité sociale, contre 60 % jusqu’à présent et 70 % pour les assurés qui passent par la case médecin traitant.
Cette mesure doit rapporter 150 millions d’euros sur une année. Pour l’instant, 83 % des assurés ont choisi un médecin traitant.
Par ailleurs, le forfait d’un euro par acte médical, institué en 2004, sera déplafonné : actuellement, ce forfait était plafonné à un euro par jour, quel que soit le nombre de consultations effectuées dans une même journée. « Une participation forfaitaire d’un euro était perçue si un patient, dans une même journée, réalisait plusieurs actes de biologie ou consultations médicales chez un même professionnel. Ce plafonnement créait donc un décalage par rapport au recours à plusieurs professionnels et ne répondait pas non plus au souci de limiter la multiplication des actes chez un même professionnel et d’inciter à la maîtrise des analyses inutiles », justifie le rapport. Ce plafond est donc porté à 4 euros, une mesure qui rapporterait 200 millions d’euros en année pleine.
Le plafonnement annuel de 50 euros de participation forfaitaire n’est en revanche pas modifié.

Des soignants sollicités

Les patients ne seront pas à eux seuls responsables de l’entièreté du déficit de la branche maladie de la Sécurité Sociale. Certes leur comportement parfois consumériste est une des principales causes de l’aggravement du « trou de la Sécu » et le gouvernement entend bien, depuis 2003, instaurer de bonnes pratiques, à grand renfort de menaces financières.
La rééducation de l’usage médical doit aussi passer par l’adoption des médicaments génériques, précise-t-il. Les assurés devront désormais accepter la délivrance de médicaments génériques s’ils veulent bénéficier du tiers payant (absence d’avance de frais) à la pharmacie.
Certains médicaments vont également voir leur prix baisser.
Du côté des médecins, les radiologues et biologistes vont subir des baisses de certains de leurs tarifs, notamment les IRM et scanners. La CSMF, premier syndicat de médecins libéraux, a dénoncé un « plan scélérat » prenant « en otages » les médecins.
Le gouvernement pourrait également inciter les hôpitaux à recourir davantage à la chirurgie ambulatoire et mobiliser l’ensemble des professionnels de santé sur une maîtrise médicalisée des dépenses. La chirurgie ambulatoire mobilise moins de ressources et la France, souligne la CNAM, est « très en retard sur l’utilisation de cette technique ».
Enfin, le gouvernement entend, dans le cadre de la lutte contre les fraudes, intensifier notamment les contrôles d’arrêts de travail et de courte durée.

Les franchises médicales en appui

Conscient des limites de ce plan, le gouvernement travaille d’ores et déjà à d’autres mesures pour 2008, en particulier l’instauration de franchises médicales très décriées par les syndicats et l’opposition.
Le Parti Socialiste a dénoncé des mesures « qui viendront peser sur le pouvoir d’achat des malades et des assurés ».
Le Medef s’est « inquiété des conséquences des mesures d’économies sur le médicament », secteur qui a selon lui « le plus fortement contribué à la réduction du déficit depuis 2004 ».
Eric Woerth ne se démonte pas. « Nous allons vite mener une concertation, en juillet et en août, pour pouvoir prendre des décisions en septembre ou octobre ».
Nicolas Sarkozy sur les visites médicales, les examens biologiques, les achats de médicaments et l'hospitalisation. Aujourd’hui deux franchises existent : 1 euro est retenu sur chaque consultation médicale et un forfait de 18 euros est prélevé pour les actes médicaux lourds.
En début de semaine, le Premier ministre a parlé de la possibilité d’ « une franchise liée aux revenus » faisant « en sorte que les revenus modestes ne puissent pas se voir imposer une franchise trop importante ». Sur BFM TV-RMC Info mercredi matin, Franços Fillon a évoqué le chiffre de « 50 centimes d’euros par boîte de médicaments ».
François Fillon est aussi revenu sur l’idée d’un « bouclier sanitaire », proposée par le Haut Commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, qui dans un premier temps avait émis des réserves sur les franchises médicales. Cette mesure ferait en sorte que les sommes restant à la charge d’un patient ne puissent dépasser de 3 à 5 % de son revenu brut de façon à ce « que paie chacun pour sa santé (soit) en fonction de son revenu », a déclaré le Premier ministre.




Les mesures du plan de redressement de la branche maladie de la Sécurité sociale, présenté mercredi 4 juillet. Entre parenthèse, les économies qu’elles pourraient apporter en année pleine :

Responsabilité des assurés (environ 410 millions d’euros) :
- baisse à 50 % du taux de remboursement des assurés qui consultent un spécialiste sans passer par leur médecin traitant (150 millions d’euros)
- passage du forfait sur les actes médicaux de 1 à 4 euros par jour, dans la limite d’un plafond annuel de 50 euros (200 millions d’euros)
- utilisation du tiers-payant réservée à la délivrance de médicaments génériques, afin d’encourager leur utilisation (60 millions d’euros)

Responsabilité des médecins (environ 520 millions d’euros) :
- baisses des tarifs de certains actes pour les radiologues (IRM et scanners) et les biologistes (200 millions d’euros)
- incitation des hôpitaux à la chirurgie ambulatoire (150 millions d’euros)
- gel du Fonds d’intervention pour la qualité des soins de ville (FIQSV) au titre du Dossier médical personnel (70 millions d’euros)
- mobilisation des professionnels de santé pour une maîtrise médicalisée des dépenses, c’est à dire un meilleur contrôle des prescriptions d’arrêts de travail et de médicaments (100 millions d’euros)

Responsabilité des laboratoires (environ 210 millions d’euros) :
- baisses des prix de certains médicaments (160 millions d’euros)
- baisses des prix de certains dispositifs médicaux, comme les prothèses et appareillages (50 millions d’euros)

Lutte contre les fraudes (environ 95 millions d’euros):
- intensification des contrôles des arrêts du travail et du respect des conditions de résidence pour bénéficier des droits





Francebourse.com – Alexandra Voinchet, avec AFP


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