D’un côté, il y a les plus optimistes. Ceux qui estiment la croissance française pour 2007 à 2,2 % et n’en démordent pas.
De l’autre, il y a les moins optimistes. Ceux qui, au regard de l’actualité et du retard français devant la reprise des autres pays européens, ont révisé leurs estimations à la baisse et évoquent un chiffre de 1,8 %.
D’un côté, il y a le gouvernement et Christine Lagarde. Depuis début septembre et une première révision des prévisions de la part de l’OCDE, la ministre de l’Economie est montée au créneau. Une révision des chiffres, que nenni. Christine Lagarde voulait s’en tenir à son objectif de croissance de 2,25 % pour 2007. Déjà en août, après un chiffre de la croissance décevant au deuxième trimestre (+ 0,3 % contre + 0,6 % attendus), Christine Lagarde et les autres membres du gouvernement avaient soutenu que leur objectif était réaliste, le Premier ministre François Fillon jugeant même « atteignable » celui de 2,5 % pour 2008.
Néanmoins, le gouvernement avec réalisme a reconnu récemment que la croissance serait « proche de la borne basse » d’une fourchette de 2 % à 2,5 %. Le PIB de la France a progressé de 2,2 % en 2006.
De l’autre, il y a les économistes de l’INSEE qui viennent d’abaisser leur prévision de croissance 2007 de 2,1 % à 1,8 %. Un deuxième trimestre décevant durant lequel le PIB n’avait progressé que de 0,3 % alors que l’INSEE tablait sur le double. Un « net rebond » de la croissance au troisième trimestre (+ 0,7 %). Et un rythme de croisière attendu de 0,5 % au dernier trimestre. Pour l’ensemble de l’année 2007, le PIB progresserait donc de 1,8 %, une « croissance douce » selon l’expression de l’INSEE, qui rejoint ainsi les rangs de l’OCDE (1,8 %) et de la Commission européenne (1,9 %) mais qui reste en deçà de l’objectif du gouvernement.
Si le scénario de l’INSEE se réalise, la France bénéficiera d’un acquis de croissance de 0,8 % pour 2008, légèrement plus favorable que l’an dernier (0,6 %), souligne Eric Dubois, chef du département de la conjoncture.
Encore faudrait-il que la crise financière internationale ne fasse pas trop de dégâts au quatrième trimestre car si la crise devait persister, « la croissance en serait amoindrie », prévient l’INSEE. « La crise financière constitue l’aléa majeur qui entoure ce scénario : si elle devait persister, le financement de nombreux projets en serait compromis et la croissance amoindrie à partir du quatrième trimestre », estime Éric Dubois. « A l’inverse, si les conditions financières se normalisent assez rapidement et que les promesses des enquêtes de conjoncture se matérialisent pleinement, la France pourrait croître plus rapidement que dans notre scénario », ajoute-t-il.
Heureusement la consommation est là
Mais l’assombrissement des perspectives lié à ces « turbulences financières » est compensé par une bonne nouvelle, un « rattrapage » de la France qui « connaîtrait au second semestre une croissance identique à celle de ses partenaires de la zone euro » à la faveur d’une « demande intérieure dynamique », tempèrent les économistes de l’INSEE.
Le principal moteur de la croissance française reste en effet la consommation des ménages, « soutenue essentiellement par l’accélération du pouvoir d’achat (+ 3,2 % en 2007) et l’amélioration du marché du travail (340 000 créations) », indique Pierre-Olivier Beffy, chef de la division Synthèse conjoncturelle.
Le maintien de « salaires dynamiques » et les baisses d’impôt sur le revenu en 2006, « qui prendront leur plein effet au second semestre 2007 », incitent également les ménages à consommer, souligne-t-il. L’INSEE estime ainsi que les mesures d’exonération partielle des heures supplémentaires entrées en vigueur le 1er octobre représenteront un gain de quelque 400 millions d’euros pour les ménages d’ici la fin de l’année.
L’accélération du pouvoir d’achat serait toutefois limitée par « la poussée de l’inflation en fin d’année », principalement liée à la hausse des prix alimentaires et de l’énergie. En décembre 2007, l’inflation atteindrait 1,9 %.
Au final, conclu l’Institut de statistiques, la consommation devrait gagner 0,9 % au troisième trimestre et 0,7 % au dernier trimestre 2007, soit une augmentation de 2,1 % sur l’ensemble de l’année après 2,3 % en 2006.
Et les entreprises investissent
L’investissement global devrait progresser dans le même temps de 3,7 % - dont 4,9 % pour l’investissement productif des entreprises -, mais accuse un léger ralentissement en raison du durcissement des conditions de crédit prévisible après la crise financière. Cette tendance était déjà amorcée avant la crise américaine des « subprimes » qui l’a amplifiée, note l’INSEE.
C’est ce thème qui avait récemment fait changer d’avis les économistes de l’OCDE lors de leur révision de la croissance française. Pour Jean-Philippe Cotis, économiste en chef de l’OCDE, alors que la France faisait mieux que la zone euro et l’Allemagne à la fin des années 90, la situation s’est détériorée « quand il s’est agi de produire, car l’appareil de production n’a pas suivi ». « En période de faible demande, sa croissance est plutôt meilleure que celle de ses voisins. Au contraire quand la demande est forte, c'est notre appareil de production qui coince », analysait-il, estimant que « l’appareil de production » made in France « coince ». Par suite, les exportations françaises en pâtissent.
En revanche, malgré un déficit commercial qui devrait encore se creuser d’ici la fin de l’année, le commerce extérieur de la France ne devrait pas tirer sa croissance à la baisse au second semestre, grâce à des exportations agroalimentaires soutenues et une hausse des exportations de produits raffinés.
Enfin, l’appréciation de l’euro devrait coûter environ 0,25 point de produit intérieur brut à l’économie française en 2007.