Géorgie : La vague de manifestations change la donne politique
Article du 08/11/2007
Devant la mobilisation populaire, le président géorgien Mikheïl Saakachvili a annoncé une élection présidentielle anticipée le 5 janvier 2008. Cette élection était initialement prévue à l’automne 2008.
L’ampleur des manifestations a été telle que le pouvoir a décrété l’état d’urgence hier.
Les jours précédents, les manifestants se sont fait entendre, protestant contre le président Mikheïl Saakachvili. Des mouvements qui ont donné lieu à de violents heurts avec les forces spéciales à coups de matraque, de gaz lacrymogènes et de flash-balls.
Aujourd’hui, les rues de Tbilissi, la capitale géorgienne, étaient plus calmes que de coutume. La mesure d’état d’urgence interdit les rassemblements et met sous censure les journaux, les télévisions et les radios. Ces dernières sont réduites à passer de la musique, alors que les journaux vont devoir soumettre leurs écrits à la censure gouvernementale. Les chaînes les plus regardées, notamment Roustavi-2 (pourtant pro-gouvernementale), ont interdiction de diffuser des bulletins d’informations. Quant à Imedi, principale chaîne privée d’opposition, elle est muette depuis que des « spetsnaz » (forces spéciales) ont fait irruption dans ses locaux et fermé l’antenne. Seule la chaîne d’Etat diffuse des informations.
Les restrictions s’appliquent également aux transports en commun : quelques stations de métro sont fermées et les bus déroutés pour empêcher l’arrivée en masse d’éventuels manifestants, a indiqué à l’AFP la mairie de Tbilissi.
Dans le centre de la capitale, le déploiement de policiers anti-émeutes est toujours concentré sur les avenues conduisant au parlement, épicentre la veille des échauffourées.
Ces mesures doivent s’appliquer pendant quinze jours
Une réaction disproportionnée
L’opposition a dénoncé la réaction disproportionnée du chef de l’Etat pro-occidental Mikheïl Saakachvili, lui-même porté au pouvoir par la rue en octobre 2003 lors de la Révolution de la rose. Plusieurs leaders de l’opposition ont appelé les Géorgiens à ne pas descendre dans la rue. La dizaine de partis qui forment cette opposition hétérogène doivent se rencontrer aujourd’hui pour décider de la stratégie.
Le mouvement de contestation a pris forme après l’arrestation le 27 septembre de l’ex-ministre de la Défense Irakli Okrouachvili, qui accusait le président d’avoir planifié le meurtre de personnalités et a été libéré depuis.
La décision du gouvernement de mettre en place l’état d’urgence ferait suite, selon le Premier ministre géorgien, à « une tentative de coup d’Etat ».
Par ailleurs, le président Saakachvili a accusé de « hauts responsables des services spéciaux russes » d’être « impliqués » dans les troubles. Trois membres de l’ambassade - deux conseillers et le troisième secrétaire - devraient être expulsés dans les prochains jours, selon un communiqué du ministère géorgien des Affaires étrangères. Ces expulsions risquent de nouveau d’exacerber les relations russo-géorgiennes, déjà très tendues sur fond de séparatisme dans les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, soutenues par Moscou.
La Russie a immédiatement réagi, qualifiant la décision géorgienne d’expulser des diplomates de « provocation politique irresponsable » et promettant « une réponse appropriée ». Elle a aussi appelé les alliés occidentaux de la Géorgie à faire pression sur Tbilissi pour éviter des « pas lourds de conséquences imprévisibles ».
La Maison-Blanche s’est dite « préoccupée » par la situation en Géorgie et a appelé à un « dialogue constructif » et pacifique entre le gouvernement de Tbilissi et l’opposition.
La France a qualifié d’ « inacceptables » les « violences contre l’opposition » ainsi que « les atteintes à la liberté de la presse et aux libertés individuelles », selon la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Pascale Andréani. Paris appelle « aussi Tbilissi à éviter l’escalade avec Moscou ».