France : l’interdiction de fumer réaffirmée par le Conseil d’Etat
Article du 20/03/2007
En rejetant des recours demandant l’annulation du décret d’interdiction de fumer dans les lieux publics, le Conseil d’Etat a réaffirmé hier le caractère obligatoire de cette nouvelle loi anti-tabagisme, entrée en vigueur le 1er février dernier. « Les requérants estimaient que ce décret donnait une portée trop rigoureuse à l’interdiction générale de fumer », précise le communiqué du Conseil d’Etat et « mettaient en cause, pour l’essentiel, l’article 1er du décret, qui prévoit, d’une part, qu’il doit s’agir de salles closes, affectées exclusivement à la consommation de tabac et soumises à certaines normes techniques, notamment de ventilation, et interdit, d’autre part, l’aménagement de tels emplacements au sein des établissements d’enseignement publics et privés, des centres de formation des apprentis, des établissements régulièrement utilisés pour l’accueil, la formation, l’hébergement ou la pratique sportive des mineurs, ainsi que des établissements de santé. »
Le Conseil d’Etat a estimé « qu’il appartenait au Premier ministre d’en interdire l’aménagement dans certains lieux, dès lors que cette interdiction est justifiée par la protection de la santé publique et est proportionnée à l’objectif poursuivi ».
« Le Conseil d’Etat a également admis la légalité des dispositions imposant que les emplacements réservés aux fumeurs ne soient pas des espaces ouverts mais des ‘salles closes’, soumises à des normes techniques d’installation et de fonctionnement visant à limiter les risques de diffusion de la fumée et des particules de tabac, dès lors que ces normes ne sont pas disproportionnées au regard de l’objectif de protection de la santé publique poursuivi et qu’elles ne reviennent pas, en pratique, à poser une interdiction générale et absolue de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif. »
Ainsi les entreprises pourront faire aménager des « fumoirs », mais les conditions d'installation et de fonctionnement sont particulièrement dissuasives. Ces « fumoirs doivent respecter des règles strictes, en particulier être équipés d’un dispositif d’extraction d’air par ventilation mécanique qui permet de renouveler l’atmosphère de dix fois le volume de l’emplacement par heure. D’une superficie maximale de 35m2 ne pouvant excéder 20 % de la surface totale de l’établissement, ils doivent aussi être indépendants du système de ventilation, être dotés de fermetures automatiques et ne pas constituer un lieu de passage ». Auparavant, selon la loi Evin, votée en 1991, on ne pouvait pas fumer dans les locaux à usage collectif mais les salariés qui avaient un bureau individuel pouvaient y fumer, ce qui est désormais interdit.
Dans les hôpitaux de long séjour ou les maisons de retraite, les pensionnaires pourront fumer dans leur chambre, assimilé à un espace privatif. Dans les prisons, une circulaire précise qu’il sera toujours possible de fumer dans la cour.
Le Conseil d’Etat a par ailleurs confirmé « que le choix des dates d’entrée en vigueur (1er février 2007, sauf pour les débits de boissons, casinos, cercles de jeu, débits de tabac, discothèques, hôtels et restaurants, pour lesquels l’entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2008) n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation ».
L’interdiction devrait donc être étendue l’année prochaine aux cafés, restaurants, casinos et discothèques. Ailleurs, en Europe, ce n’est pas le cas. Fumeurs espagnols ou doivent sortir pour en griller une. La plupart de nos voisins ont adopté des mesures anti-tabac restrictives : interdiction de la publicité suite à une directive européenne entrée en vigueur en juillet 2005, de la vente aux moins de 16 ans ou dans les « ventas » espagnoles le long de la frontière française… Les mesures ont d’abord été prises en Europe du Nord, puis occidentale, elles font leur apparition progressive en Europe de l’Est. La Belgique a été pionnière en la matière puisque l’interdiction remonte à 1991. L’Irlande a été la première à imposer l’interdiction totale de fumer dans les lieux publics, en mars 2004. L’Allemagne, avec ses distributeurs de tabac placés dans la rue, et la Grèce font en revanche figure de mauvais élèves.
Un contrôle renforcé contre les resquilleurs
L’objectif de l’Union Européenne est de réduire la proportion de fumeurs à 20 %. Dans un Livre vert auquel les Etats membres doivent répondre d’ici le 1er mai, le commissaire à la Santé Markos Kyprianou estime qu’une interdiction générale de fumer dans tous les lieux publics fermés ou semi-fermés « serait la plus bénéfique pour la santé publique ».
Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France, avec 66 000 décès par an. Le tabagisme passif tue chaque année quelque 80 000 personnes dans l’Union européenne.
En France, 175 000 agents sont habilités à contrôler les espaces publics, administrations et entreprises. Les fumeurs récalcitrants écoperont d’une amende de 68 euros, les responsables d’établissements d’une amende de 135 euros qui peut aller jusqu’à 750 euros en cas de cumul d’infraction. Le ministère de la Santé a également chargé 3 000 médecins inspecteurs de la santé publique, ingénieurs du génie sanitaire et inspecteurs de l’action sanitaire et sociale de contrôler les établissements de soins.
Mais la répression n’est pas la seule arme du gouvernement pour inciter à une moindre consommation du tabac, n’en déplaise aux industriels du tabac et aux commerces liés. Depuis hier, l’Assurance Maladie prend en charge une partie des traitements de sevrage tabagique par substituts nicotiniques dans une limite de 50 euros et sur ordonnance.