L'état d'urgence a finalement été levé vendredi en Géorgie, au bout de neuf jours, et le président Mikheïl Saakachvili a promis à l'opposition qu'elle pourrait faire campagne et avoir accès aux médias en vue de l'élection présidentielle anticipée du 5 janvier.
L'état d'urgence a été levé à 15H00 GMT, a annoncé à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Outa Outouachvili.
Le chef de l'Etat géorgien, qui a terni le 7 novembre son image de démocrate en faisant tirer à balles en caoutchouc sur la foule et en fermant le principal média d'opposition, s'était exprimé peu auparavant devant la presse. "Toutes les forces politiques, l'opposition, tous les citoyens auront la possibilité de mener leurs activités politiques pendant la campagne électorale, y compris en accédant à la presse indépendante et aux chaînes de télévision", a-t-il déclaré depuis l'aéroport de Tbilissi, avant de s'envoler pour l'Adjarie, une province géorgienne.
Il n'a pas précisé si la chaîne Imedi TV, toujours fermée, pourrait rapidement recommencer à émettre. "Aujourd'hui, la vie en Géorgie reprend son cours normal et nous avons décidé de lever l'état d'urgence. Nous annulons ces restrictions, qui étaient minimes", a ajouté M. Saakachvili, critiqué par Washington et Bruxelles.
Désormais, au-delà de la répression de la manifestation de l'opposition, c'est le sort de la chaîne Imedi TV qui occupe l'esprit des Géorgiens comme des émissaires européen et américain, dépêchés à Tbilissi pour convaincre le président de respecter ses engagements démocratiques. "Imedi TV était la seule chaîne différente, je ne sais pas ce que je vais regarder désormais. Peut-être les chaînes russes, mais elles non plus ne sont pas très objectives", regrette Tamara Guikadzé, une employée de banque âgée de 32 ans.
Dans la matinée, le candidat de l'opposition à la présidentielle anticipée, Levan Gatchétchiladzé, a appelé les autorités à autoriser la diffusion d'Imedi TV, condition sine qua non d'un scrutin "démocratique".
"Le plus important est qu'Imedi rouvre. Sans cela, les élections ne pourront pas être démocratiques", a déclaré M. Gatchétchiladzé, un homme d'affaires et député de 43 ans, désigné lundi candidat de la coalition d'opposition.
L'opposition unifiée, composée d'une dizaine de partis, a prévu une conférence de presse devant le Parlement à 16H00 GMT, une heure après la levée de l'état d'urgence.
Imedi TV, considérée comme le principal relais de l'opposition dans l'opinion publique, avait été occupée le 7 novembre par les forces spéciales et fermée. Selon des journalistes de la chaîne et des ambassadeurs européens, les studios et consoles de montage ont été en partie détruits.
Le groupe News Corp du magnat australien Rupert Murdoch contrôle la chaîne en partenariat avec l'homme d'affaires et opposant Badri Patarkatsichvili.
Ce dernier est soupçonné par le Parquet général d'avoir voulu renverser le régime au cours des manifestations de l'opposition.
Selon News Corp, la licence de diffusion d'Imedi TV a été suspendue et ses équipements ont été saisis.
Déjà tendues depuis l'arrivée au pouvoir de Mikheïl Saakachvili à la suite de la Révolution de la rose en novembre 2003, les relations entre Moscou et Tbilissi se sont encore dégradées.
Le président géorgien a accusé Moscou d'instrumentaliser l'opposition, des accusations qualifiées de "fantasmes" par la diplomatie russe.
En attendant, la télévision publique géorgienne multiplie les clips vantant la puissance de l'armée géorgienne et les reportages sur ses forces armées, dans un climat va-t-en-guerre autour de la question de l'Abkhazie, ce territoire séparatiste géorgien soutenu par Moscou.