Birmanie : Les efforts de la junte se font au compte-gouttes
Article du 19/05/2008
Alors que le bilan humain du cyclone Nargis ne cesse de s’alourdir - plus de 130 000 morts et disparus d’après les derniers chiffres - et que la population survivante se retrouve dans le dénuement le plus total, la junte militaire au pouvoir en Birmanie semble faire quelques efforts, elle qui a, au début de la catastrophe, voulu prendre les opérations de secours en main et bloqué l’aide étrangère au-delà de ses frontières.
Hier, le généralissime Than Shwe, le numéro un birman, a visité pour la première fois des localités de la région de Rangoun touchées par le cyclone. Des images largement diffusées par la chaîne de télévision MRTV, contrôlée par le régime. Le généralissime Than Shwe quitte rarement la nouvelle capitale administrative de Birmanie, Naypyidaw, située dans une région reculée du centre, à 400 kilomètres au nord de Rangoun.
Ce déplacement concorde avec l’arrivée de l’émissaire des Nations Unies, John Holmes, qui est porteur d’une lettre du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, à Than Shwe. Sa mission : élargir les opérations internationales de secours.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, devrait également se rendre cette semaine en Birmanie pour discuter de l’acheminement de l’aide internationale aux sinistrés.
Car la junte birmane continue de filtrer l’arrivée de l’aide internationale et d’empêcher la distribution de secours par des équipes étrangères, en particulier occidentales. Selon l’ONU, seulement 500 000 personnes sur les quelque deux millions de sinistrés auraient reçu des secours de la communauté internationale.
Toutefois, le pouvoir militaire semble un peu mieux disposé depuis quelques jours à ce sujet.
La Birmanie envisage même d’organiser à Rangoun une conférence des donateurs à la fin du mois. Le chef de la diplomatie birman devrait informer ses partenaires asiatiques de cette décision dans la journée lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean). Cette réunion de l’instance asiatique -- qui comprend la Malaisie, la Birmanie, l’Indonésie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, Brunei, le Laos, le Vietnam et Cambodge - a été convoquée pour examiner les moyens de venir en aide à la Birmanie. Le secrétaire général de l’Asean doit également se rendre sur place afin de se rendre compte de l’étendue du sinistre.
Plusieurs membres de l’Asean, dont Singapour et la Thaïlande, ont déjà envoyé des secours matériels acceptés par la junte birmane.
Autre signe de dialogue : selon le quotidien japonais Yomiuri citant une source de la junte, la Birmanie aurait invité des représentants de 29 pays à visiter des zones du delta de l’Irrawaddy dévastées par le cyclone Nargis dès mercredi. Selon le journal, les invitations ont été adressées à des pays amis du régime, comme l’Inde et la Chine, mais aussi aux Etats-Unis et à des pays européens, critiques de la junte militaire. Le Japon étudie actuellement cette proposition.
Jalouse de sa souveraineté, la junte au pouvoir depuis 1962 ne veut pas laisser des étrangers conduire des secours internationaux de grande ampleur. Mais les informations sur le drame qui s’échappent du pays l’obligent à modérer sa position. De plus en plus de témoins venant de la région du delta de l’Irrawaddy, pourtant interdite à la presse, prennent le contre-pied de la propagande du régime et affirment que les généraux birmans ne distribuaient pas de vivres à tout le monde. L’eau et la nourriture manquent. Les risques d’épidémie se renforcent alors que la zone entière reste inondée et que l’eau véhicule des cadavres humains et d’animaux par dizaines. Enfin, le ciel ne laisse pas de répit aux survivants alors que les pluies sont torrentielles.