Depuis le début de la semaine les déclarations se multiplient dans l’Hexagone concernant les sujets économiques préoccupants du moment : pétrole cher, inflation galopante, inquiétudes sur l’emploi… Retour sur les principales nouvelles en la matière.
Une inflation record
Le taux d’inflation a enregistré en mai une hausse de 3,3 % sur un an, un record depuis juillet 1991. Les prix à la consommation ont augmenté de 0,5 % le mois dernier sur un mois, selon les chiffres de l’INSEE.
En données corrigées des variations saisonnières, l’indice des prix progresse de 0,4 % en variation mensuelle après une augmentation de 0,1 % en avril et affiche en hausse de 3,3 % sur un an après 3,1 %.
L’indice des prix IPCH, qui permet une comparaison au niveau européen, a augmenté de 0,6 % en mai par rapport à avril, soit une hausse de 3,7 % sur un an.
Cette hausse de l'inflation du mois de mai « provient de nouveau principalement du renchérissement des produits pétroliers, mais aussi, de manière saisonnière, de celui des produits frais et des autres services », indique l’Institut national de la statistique.
Les prix de l’énergie ont bondi de 4,2 % d’avril à mai, sous l’effet de la hausse du gaz de ville (+ 6,1 % en mai, + 10,9 % sur un an) et de celle des produits pétroliers (+ 5,4 % en mai, + 22,4 % sur un an) suivant l’évolution des cours du pétrole brut. Les seuls carburants enregistrent une hausse de 4,8 % en mai (après + 1,4 % en avril), soit une augmentation de 17,9 % par rapport à mai 2007.
L’indice des prix de l’alimentation a augmenté de 1 % en mai (+ 5,7 % sur un an). Pour les seuls produits frais, la hausse est de 5,9 % en mai par rapport à avril et de 4 % par rapport à mai 2007.
En mai, l’indice des prix des produits de grande consommation dans la grande distribution s’accroît de 0,2 % après une hausse de 0,3 % en avril. Sur un an, l’augmentation est de 5,3 %.
Au cours des trois derniers mois, les prix dans la grande distribution ont progressé de 0,7 % alors qu’ils étaient stables sur la même période un an auparavant.
Sur un an, la hausse des prix des produits de grande consommation est de 5,9 % dans les hypermarchés et de 5 % dans les supermarchés. Dans les autres formes de vente, l’indice des prix des produits de grande consommation grimpe de 0,4 % en mai 2008 et sur un an de
+ 6,2 %.
La question du maintien du pouvoir d’achat au cœur des préoccupations
Dans ce contexte, les inquiétudes quant au maintien du pouvoir d’achat des Français se font plus vives. Si les consommateurs, à chaque passage à la caisse, voient leur pouvoir d’achat s’éroder, le gouvernement tente malgré tout de rassurer. Chiffres de l’INSEE à l’appui.
L’institut a d’ailleurs publié des données qui ne corroborent pas le sentiment des Français d’un appauvrissement relatif. Le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages, c’est-à-dire la masse des ressources à leur disposition une fois déduit les impôts et cotisations sociales moins la hausse des prix à la consommation, a progressé de 3,3 % en 2007, après + 2,6 % en 2006, selon l’INSEE.
Pour refléter l’évolution individuelle moyenne, la progression du pouvoir d’achat doit être corrigée du dynamisme démographique, c’est-à-dire « par unité de consommation » pour tenir compte à la fois de l’évolution du nombre de ménages et de leur composition (familles monoparentales ou recomposées par exemple). Avec cette pondération, le pouvoir d’achat a progressé de 2,4 % en 2007, après + 1,7 % en 2006.
Cette accélération s’explique par l’évolution des revenus d’activité (à hauteur de 0,5 point), essentiellement à cause de la croissance de l’emploi, et par des allègements de prélèvements obligatoires (+ 0,8 point), analyse l’institut dans son rapport sur l'économie française en 2007.
L’an dernier, le niveau des prélèvements obligatoires sur les ménages a ainsi reculé de 8,4 milliards d’euros. A l’inverse, les prestations sociales (- 0,2 point) et les revenus du patrimoine (- 0,4 point) ont amputé cette progression. « Certes, le pouvoir d’achat a perdu de sa vigueur sur la période 2003-2006 (+ 2,2 % par an en moyenne), comparée à la période 1998-2002 (+ 3,4 %) » mais « il a progressivement retrouvé des couleurs à la faveur d’une dynamique salariale plus vigoureuse », conclue l’INSEE. Reste que l’on ne connaît pas encore les chiffres de 2008 et qu’au vu du premier semestre écoulé, il y a fort à parier qu’ils ressortent en berne.
Des mesures conjoncturelles pour suivre le bond de l’inflation
Le gouvernement, soucieux de ne pas trop égratigner son image, a toutefois donné quelques coups de pouce. Pour suivre l’inflation, il a déjà procédé à une revalorisation du Smic le 1er mai : le Smic horaire brut est passé à 8,63 euros brut de l’heure, soit près de 1 308 euros brut par mois. En net, en fonction des cotisations, il se situe désormais entre 1 000 et 1 030 euros. Le Smic horaire, qui était jusqu’auparavant à 8,44 euros brut, a été « majoré de 2,3 % » « compte tenu du niveau de l’indice mensuel des prix à la consommation », précise l’arrêté officiel.
Une deuxième revalorisation devrait avoir lieu à la date traditionnelle du 1er juillet. Le niveau du Smic devrait être relevé de 0,9 %, selon un calcul basé sur l’indice d’inflation (+ 3,3 % sur un an) publié ce matin par l’INSEE.
Le nouveau montant du Smic sera officiellement annoncé le 23 juin devant la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) par le ministre du Travail, Xavier Bertrand
Plus de deux millions de salariés les moins payés, soit un salarié sur dix en France, sont concernés par cette hausse, qui intervient, aux termes de la législation, sans attendre la revalorisation habituelle du début d’été.
L’évolution du marché de l’emploi est surveillée de près
Christine Lagarde a évoqué ce matin sur RTL « plus de 60 000 créations nettes d’emplois » au premier trimestre 2008. « C’est un chiffre qui est fortement révisé à la hausse et qui correspond à une économie qui fonctionne, qui tourne et qui crée des emplois. Il y en a encore plus si on inclut le secteur non marchand, c’est une très bonne nouvelle », a déclaré la ministre de l’Economie.
L’INSEE et le ministère de l’Emploi viennent de publier le chiffre de 70 700 postes créés au premier trimestre. Les créations d’emplois salariés dans le secteur concurrentiel ont ainsi progressé de 0,4 % en début d’année et de 1,6 % par rapport au premier trimestre 2007. 184 millions d’emplois salariés ont ainsi été recensés fin mars.
La décélération attendue cette année du rythme de créations d’emplois apparaît finalement très mesurée par rapport au quatrième trimestre 2007 (+ 78 000).
L’Unedic a également enregistré « une bonne surprise » au premier trimestre avec une augmentation de la création d’effectifs salariés, certes deux fois moins dynamique qu’au dernier trimestre 2007 (+ 106 000) mais tout de même en hausse de + 0,3 % (+ 55 900 postes). Le champ statistique Unedic est légèrement plus étroit que celui de l’INSEE et couvre les entreprises affiliées à l’assurance chômage.
Cette année, l’Unedic table sur des créations d’emplois « nettement moins importantes, de l’ordre de deux fois moins » qu’en 2007, selon son statisticien en chef.
Les chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) qui fédère les Urssaf, dont le champ est encore différent, corroborent la tendance : « L’emploi salarié a progressé sur un rythme encore soutenu, + 0,5 % ce trimestre et + 1,7 % sur un an », écrit l’Acoss.
Par secteur, selon l’INSEE, la construction reste un secteur créateur d’emplois sur un rythme équivalent (+ 0,8 %, + 12 000 postes) qu’au quatrième trimestre 2007 (+ 0,9 %). « Les enquêtes de conjoncture menées par l’INSEE auprès des entreprises de BTP laissaient plutôt attendre un ralentissement des créations d’emploi », souligne la note du ministère.
Selon l'Unedic, l’activité du BTP est néanmoins « en train de se contracter » car elle se défait de son emploi intérimaire.
Dans le tertiaire, la hausse se poursuit comme aux trois trimestres précédents (+ 0,5 % contre + 0,4 % annoncé le mois dernier, soit + 57 400 postes).
Hors intérim, la hausse dans l’ensemble des secteurs est ramenée à + 41 500 postes après 63 800 au quatrième trimestre. A noter que les nombreux emplois d’intérimaires se rangent dans la catégorie tertiaire, même lorsqu’il s’agit de missions effectuées dans le bâtiment ou l’industrie.
Dans l’industrie stricto sensu, l’emploi continue de se replier : - 0,3 %, - 12 100 postes après -0,2 % ou - 7 100 postes au dernier trimestre 2007. L’industrie automobile a fortement réduit ses effectifs (- 2,1 %). L’hémorragie d’emplois dans l’industrie est continue depuis 2001 et tient à la fois aux gains de productivité, aux externalisations (recours à des prestataires extérieurs considérés comme des services même s’ils travaillent sur site), restructurations et délocalisations.
Enfin, dans les secteurs principalement non marchands, mais privés (santé, éducation…) l’emploi progresse de 0,6 % (+ 13 300 postes) au premier trimestre, après + 0,7 % au trimestre précédent.
Les prix du pétrole, là où le bât blesse
Last but not least, la croissance française est surveillée de près. La révision à la hausse de la croissance du PIB en 2007 à 2,1 % (en données corrigées des variations saisonnières soit 2,2 % en données brutes) contre 1,9 % estimé initialement par l’INSEE, a été la bienvenue.
Pour 2008, le gouvernement table sur une fourchette de 1,7 à 2 % en 2008. Le PIB de la France a nettement accéléré au premier trimestre 2008, progressant de 0,6 % après 0,3 % au dernier trimestre 2007 (estimation révisée à la baisse), selon l’INSEE.
Mais le renchérissement du pétrole pourrait bien venir contrarier ces prévisions. Selon l’INSEE d’ailleurs, la hausse du prix du pétrole et l’appréciation de l’euro par rapport au dollar ont coûté en moyenne 0,4 % de croissance par an à la France au cours des cinq dernières années.
Entre le premier trimestre 2002 et le dernier trimestre 2007, le prix du baril de pétrole Brent a plus que quadruplé (+ 322 %, soit 27 % par an en moyenne), passant de 21 à 89 dollars. Dans le même temps, l’euro s’est apprécié de 65 % vis-à-vis du dollar (soit + 9 % par an en moyenne), passant de 0,88 dollar pour un euro à 1,45. Les calculs de l’INSEE prennent toutefois en compte une appréciation de l’euro plus modérée (+ 2 % par an en moyenne) fondée sur un panier de monnaies pondéré par la structure des exportations françaises, où les partenaires de la zone euro ont une grande place.
Selon les calculs de l’INSEE, la hausse des prix du pétrole « à parités fixes », qui renchérit les importations et entraîne une hausse des coûts de production, a provoqué une perte de 1,3 point de PIB sur la période, soit un déficit de croissance de 0,2 point par an en moyenne.
Mais l’euro fort a parallèlement eu un « effet protecteur » puisqu’il a allégé la facture des importations d’hydrocarbures, un bénéfice que l’institut évalue à 0,2 point de croissance annuelle et qui « compense presque intégralement l’effet direct du prix du pétrole ».
Sauf que la hausse de l’euro a entraîné une forte détérioration de la « compétitivité-prix » des entreprises françaises, qui joue aussi bien à l’exportation qu’à l’importation. Cet effet est chiffré à - 0,7 point de croissance par an, soit 4,1 points de PIB en cumul entre 2002 et 2007.
L’INSEE estime enfin que l’appréciation de la monnaie unique a permis à la Banque Centrale Européenne de mener une « politique monétaire moins restrictive » qu’elle ne l’aurait été à parités fixes, et donc plus favorable à l’économie française. Selon l’étude, cet effet a permis « un gain supplémentaire de 0,3 point de croissance annuelle ».
Au total, l’effet global de la hausse du prix du pétrole et de l’appréciation de l’euro entre début 2002 et fin 2007 a donc « conduit à un PIB inférieur de 2,4 % à ce qu’il aurait été toutes choses égales par ailleurs », soit une perte de 0,4% de croissance par an.
Encore une fois, nous ne connaîtrons que dans bien longtemps les effets sur l’économie de la flambée actuelle du pétrole qui se fait dans des proportions nettement plus grandes. Depuis le 1er janvier, le baril de brut a gagné pas moins de 35 dollars.
Bien évidemment, les prix à la pompe s’en ressentent et la cherté des carburants commence à exaspérer les automobilistes alors qu’elle a dégagé provoqué la colère de plusieurs professions, agriculteurs, pêcheurs, routiers…
Paris multiplie les appels à la régulation à ses collègues européens et du G8 qu’il doit rencontrer ce week-end au Japon. Mais pour l’heure, l’idée de Nicolas Sarkozy de plafonner la TVA sur les carburants n’a pas fait l’unanimité.
Ce matin, la ministre de l’Economie s’est étonnée des mouvements de hausse « exceptionnels » des cours du pétrole intervenus ces derniers jours, estimant qu’il y a des « problèmes sur le marché » pétrolier qu’il faut régler.