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Pétrole : La flambée est une sérieuse menace pour la croissance mondiale

Article du 22/05/2008

La flambée des cours du pétrole est une sérieuse menace pour la croissance mondiale, avertissent les analystes.
Depuis septembre, les cours ont pris 50 dollars. Après avoir touché 100 dollars le 2 janvier, l’or noir a connu un printemps frénétique, dépassant 110 dollars le baril en mars, 120 dollars le 5 mai, 125 dollars le 9 mai. Hier, le baril de pétrole a enfoncé successivement les seuils historiques de 130, 131, 132, 133 et 134 dollars, culminant à 134,10 dollars à New York et 133,47 à Londres. Il a franchi un nouveau cap symbolique, atteignant les 135 dollars le baril avant de terminer autour des 133 dollars à la clôture des échanges. Le baril a clôturé à 133,17 dollars (+ 4,10 dollars) à New York et 132,70 dollars (+ 4,76 dollars) à Londres.
Et cette hausse ne semble pas terminée. Dans une note publiée au début du mois, les analystes de la banque d’affaires Goldman Sachs n’excluaient pas que le baril atteigne les 200 dollars d’ici 6 à 24 mois. En début de semaine, la Société Générale a relevé de 120 à 122 dollars sa prévision de prix pour le second semestre. Les experts de la société d’études Cyclope s’attendent à une année 2008 erratique et imprévisible pour le pétrole.
Signe que les craintes ne sont pas liées à des difficultés temporaires, le mouvement touche aussi les prix à long terme. Le pétrole vendu en décembre 2016 - le contrat le plus éloigné disponible à New York – s’échange déjà près de 140 dollars.

Les économies mises à mal

La flambée des prix « frappe une économie mondiale qui est beaucoup plus vulnérable » que lors des précédents chocs pétroliers, du fait de la « récession douce » aux Etats-Unis, note Ethan Harris de Lehman Brothers. « Dans un contexte où le consommateur américain est en perte de vitesse rapide et où la raréfaction du crédit va faire sentir ses effets décalés, les dégâts collatéraux sont en préparation pour l’économie mondiale. L’Europe souffre déjà et l’Asie ralentit », ajoute-t-il.
Selon l’expert, toute hausse de 10 dollars du baril de pétrole retire l’équivalent de 0,4 point à la croissance américaine et un peu moins en Europe et en Asie.
La crise alimentaire et la hausse des prix du pétrole pourraient faire baisser de 1,4 point de pourcentage la croissance du PIB de dix territoires « en développement » d’Asie (Hong Kong, Chine, Inde, Indonésie, Corée du sud, Malaisie, Philippines, Singapour, Taiwan, Thaïlande) en 2008, selon une étude récente de la Banque Asiatique de Développement.
Les conséquences de cette folle hausse se font sentir un peu partout dans le monde : l’Indonésie a annoncé qu’elle allait augmenter de 28 % le prix des carburants, les marins-pêcheurs français se sont mis en grève contre l’envolée du gazole, et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’inquiète de ce « défi majeur » pour la croissance de la région.
Plombés par la crise de l’immobilier, les Etats-Unis ont une santé économique fragile et comptent beaucoup sur le plan de relance budgétaire récemment adopté pour permettre à la consommation de se maintenir. Mais la hausse des prix de l’essence pourrait bien compromettre ces objectifs si le gros des chèques de remise d’impôts est englouti dans les pompes à essence.
La croissance économique mondiale est donc en sursis, affirme l’économiste indépendant Ed Yardeni qui n’exclut pas « une récession longue et profonde aux Etats-Unis » puis « un ralentissement mondial ».

Des risques accrus par la spéculation

Le caractère spéculatif de la demande pétrolière incite également les analystes à penser que l’économie va souffrir. La faiblesse du dollar fournit en effet une incitation supplémentaire aux investisseurs qui achètent aussi du pétrole pour se couvrir contre l’inflation.
« Les courtiers vont sans doute pousser le prix des matières premières jusqu’au point où la croissance mondiale non seulement ralentira, mais cassera », note Myles Zyblock de la banque RBC. L’un des risques est que la flambée des cours ne fasse grimper l’inflation, déjà bien haute, forçant les banques centrales à remonter leurs taux alors même que les fondamentaux économiques restent fragiles – d’où une rupture de la croissance, explique-t-il.
Dans cette situation, toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. Dans les pays émergents notamment, la demande est relativement isolée des fluctuations des cours du fait de subventions, note Jan Randall du cabinet Global Insight.
Les analystes veulent aussi croire que cette flambée n’est qu’un phénomène temporaire. Hier, les cours du pétrole ont été dopés par une chute imprévue des réserves pétrolières américaines. Le département américain à l’Energie a en effet annoncé une fonte des stocks de brut, qui étaient supposés s’étoffer. Lors de la semaine achevée le 16 mai, les stocks américains de pétrole brut ont fondu de 5,4 millions de barils à 320,4 millions de barils. Seules, les réserves de produits distillés (gazole et fioul de chauffage) ont augmenté mais bien moins que prévu.
Cette annonce a encore aggravé le sentiment que l’écart entre offre et demande se resserre dangereusement au fil des mois : alors que la demande ne cesse de progresser dans les pays émergents, l’offre peine à suivre.
« Les prix sont soutenus par les inquiétudes sur les approvisionnements d’essence avant la ‘driving season’ (saison des grands déplacements automobiles aux Etats-Unis, ndlr) et par une demande accrue de diesel en provenance de Chine, où (les autorités) cherchent à doper l’offre avant les Jeux Olympiques et après le tremblement de terre (du 12 mai), ce qui a encore resserré l’écart entre offre et demande », explique Nimit Khamar, de la maison de courtage Sucden. Le Nigeria, premier producteur de brut africain, reste également au centre des inquiétudes : en raison de l’insécurité, sa production pétrolière plafonne actuellement à près de 2 millions de barils par jour.
L’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole, qui assure 40 % de l’offre mondiale, contribue aussi à l’envolée en observant passivement la flambée depuis septembre. Mardi, le secrétaire général du cartel a réitéré le sentiment de l’OPEP que le « marché est bien approvisionné avec une hausse des stocks dans les pays de l’OCDE au-delà de leur niveau moyen sur 5 ans », se contentant de se dire « inquiet » de la volatilité des prix.
Hors Opep, le tableau n’est guère réjouissant. Depuis le début de l’année, la Russie, deuxième producteur mondial derrière l’Arabie Saoudite, a affiché une stagnation de la production nationale et un dirigeant de Loukoïl a même prophétisé un déclin.
Pour Jan Randall, le prix du baril pourrait atteindre 150 dollars d’ici la fin de l’année mais il redescendra ensuite. « Le prix dicté par les fondamentaux est plus proche de 100 dollars », analyse-t-il.

Francebourse.com – Alexandra Voinchet, avec AFP




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