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Les prix à la pompe s’enflamment

Article du 26/05/2008

Le mécontentement croît dans le monde face à la hausse des prix de l’essence dans la foulée de celle des cours du pétrole. Alors que le baril a dépassé les 135 dollars la semaine dernière, les prix à la pompe accusent eux aussi la hausse en Europe, aux Etats-Unis mais également en Asie.
Depuis septembre, les cours du brut ont pris 50 dollars. Après avoir touché 100 dollars le 2 janvier, l’or noir a connu un printemps frénétique, dépassant 110 dollars le baril en mars, 120 dollars le 5 mai, 125 dollars le 9 mai. Hier, le baril de pétrole a enfoncé successivement les seuils historiques de 130, 131, 132, 133, 134 et 135 dollars.
Et cette hausse ne semble pas terminée. Dans une note publiée au début du mois, les analystes de la banque d’affaires Goldman Sachs n’excluaient pas que le baril atteigne les 200 dollars d’ici 6 à 24 mois. En début de semaine, la Société Générale a relevé de 120 à 122 dollars sa prévision de prix pour le second semestre. Les experts de la société d’études Cyclope s’attendent à une année 2008 erratique et imprévisible pour le pétrole.
Signe que les craintes ne sont pas liées à des difficultés temporaires, le mouvement touche aussi les prix à long terme. Le pétrole vendu en décembre 2016 - le contrat le plus éloigné disponible à New York – s’est échangé à près de 140 dollars la semaine passée.

Faire le plein coûte plus cher

Dans les stations essence, l’heure est également à la valse des étiquettes. Selon l’Union française des industries pétrolières (Ufip), les prix ont atteint des records à la pompe le vendredi 16 mai : 1,4454 euro le litre de super sans plomb 95 et 1,4105 euro le litre de gazole. Si les consommateurs ne se manifestent pas trop pour le moment – mais changent leurs habitudes en tant qu’automobilistes -, la colère est venue des marins-pêcheurs français, qui ont obtenu de leur gouvernement des aides pour faire face à la hausse du prix du gasoil, et dont les manifestations ont fait des émules en Espagne et au Portugal.
Toujours en Europe, ce sont les chauffeurs d’autocars bulgares qui ont manifesté vendredi et menacent de faire grève. Le transport en autobus est très développé en Bulgarie en raison de ses prix compétitifs alors que la population est la plus pauvre de l’UE, avec un salaire moyen de 285 euros. Mais en Bulgarie, le prix du diesel (1,30 euro) est actuellement plus élevé que dans neuf autres pays de l’UE, selon un tableau comparatif publié dans la presse hongroise.
Il reste toutefois inférieur à l’Italie (1,53 euro), les Pays-Bas (1,44), la Belgique (1,40), l’Allemagne (1,38), la Finlande (1,36) et la France (1,35), selon les chiffres pour la semaine du 18 au 24 mai rassemblés par l’Union internationale des transports routiers (IRU).
A Moscou, une centaine de manifestants se sont rassemblés samedi pour dénoncer la hausse des prix alors que la Russie se classe au deuxième rang mondial pour la production et l’exportation de pétrole. Un litre d’essence coûtait en moyenne 21,25 roubles (0,57 euro) en Russie au 12 mai et un litre de diesel 21,94 roubles (0,59 euro), selon des chiffres de l’office fédéral des statistiques Rosstat, soit une augmentation respectivement de 9 % et 12,2 % depuis janvier.
Aux Etats-Unis, pour la première fois depuis la crise du pétrole des années 1970, les données du ministère des transports montrent que les automobilistes ont roulé 4,3 % de moins en miles (1 mile = 1,6 km) qu’il y a un an. Le prix moyen d’un gallon (3,8 litres) d’essence aux Etats-Unis atteignait 3,91 dollars cette semaine, en hausse de 21 % sur un an, selon les chiffres de l’Automobile club américain (AAA).

Les pays émergents tentent de résister

En Asie, de nombreux gouvernements réduisent les subventions qui leur permettaient de limiter la hausse des carburants. Dans nombre de pays émergents en effet, les prix des carburants sont maintenus à des niveaux artificiellement bas par des gouvernements qui comblent l’écart entre le prix du baril et les prix à la pompe.
Ainsi, en Indonésie, les prix devraient très bientôt augmenter de 28,7 %. Pour compenser l’augmentation, le gouvernement envisage de distribuer 1,5 milliard de dollars d’allocations aux plus pauvres. Mais des milliers d’Indonésiens sont descendus cette semaine dans la rue pour exiger que le gouvernement renonce à la hausse annoncée. En Indonésie, pays importateur net de pétrole, un litre d’essence subventionnée s’achète 4 500 roupies (un demi-dollar). Or, l’Indonésie est le quatrième pays le plus peuplé de la planète et un producteur de pétrole.
En Inde, une hausse des prix est « inévitable » pour aider les entreprises publiques qui vendent les carburants à des prix largement subventionnés, a souligné le ministre du pétrole vendredi. Selon la presse indienne, l’augmentation pourrait dépasser 20 % pour l’essence et 16 % pour le diesel.
D’autres pays se sont déjà engagés dans cette voie. Dès l’été dernier, la Syrie a annoncé une « hausse graduelle » des tarifs pétroliers. En mars, la Jordanie a mis fin aux subventions, ce qui a entraîné une hausse des prix allant jusqu’à 76 %. Et en Egypte, un projet de loi prévoyant une augmentation de 40 à 50 % était à l’examen la semaine dernière.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) remarque toutefois qu’il ne sera « pas facile » d’abandonner ces aides. Bien qu’elles pèsent de plus en plus sur les finances publiques, elles sont vitales pour les foyers les plus modestes, étranglés par la hausse des denrées alimentaires. Leur abandon partiel ou total est généralement synonyme de troubles sociaux en Birmanie, en Indonésie...
Autre inconvénient, la hausse des prix du carburant nourrit l’inflation, que les pays émergents cherchent au contraire à la juguler. Pour ces deux raisons, la Chine semble partie pour poursuivre sa politique de subventions. D’une part, des protestations feraient mauvais effet avant les Jeux Olympiques et, d’autre part, l’Etat risquerait de laisser filer davantage l’inflation qui a atteint 8,5 % en avril. En outre, le gouvernement chinois, dont les caisses regorgent de devises étrangères, peut assumer de tels frais, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.
La flambée des cours du pétrole est donc une sérieuse menace pour la croissance mondiale, avertissent les analystes. La crise alimentaire et la hausse des prix du pétrole pourraient faire baisser de 1,4 point de pourcentage la croissance du PIB de dix territoires « en développement » d’Asie (Hong Kong, Chine, Inde, Indonésie, Corée du sud, Malaisie, Philippines, Singapour, Taiwan, Thaïlande) en 2008, selon une étude récente de la Banque Asiatique de Développement.
Plombés par la crise de l’immobilier, les Etats-Unis ont une santé économique fragile et comptent beaucoup sur le plan de relance budgétaire récemment adopté pour permettre à la consommation de se maintenir. Mais la hausse des prix de l’essence pourrait bien compromettre ces objectifs si le gros des chèques de remise d’impôts est englouti dans les pompes à essence. Selon Ethan Harris de Lehman Brothers, dans une note publiée la semaine dernière, toute hausse de 10 dollars du baril de pétrole retire l’équivalent de 0,4 point à la croissance américaine et un peu moins en Europe et en Asie.

Francebourse.com – Alexandra Voinchet, avec AFP
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